
Sans les énergies fossiles, nous n’aurions pas pu abattre des millions d’hectares de forêt, nous n’aurions pas pu détériorer le climat planétaire autant qu’aujourd’hui, nous n’aurions pas pu contaminer les sols avec une agriculture industrielle et nous n’aurions jamais pu « minéraliser » autant le milieu que nous l’avons fait par la construction de nos cités contemporaines. Il est tout à fait simple de comprendre qu’en raison de la « minéralisation globalisante » des espaces vivants, nous sommes au bord du précipice… On ne peut perturber le fragile équilibre d’une écosphère au-delà d’une certaine limite.
Les activités humaines sont de plus en plus considérées comme un agent d’érosion géologique au même titre que la glace, l’eau et le vent. Certains scientifiques nomment « Anthropocène » la nouvelle période géologique pendant laquelle les technologies occidentales auront marqué la Terre, et ce, jusqu’à sa lithosphère. Le géologue émérite, George Ter-Stepanian, affirmait : « Les changements technologiques [ont] fait entrer la Terre dans une phase évolutive sans précédent qui [va] se poursuivre au cours du prochain millénaire. »
Un milieu vivant
Sur la question de l’eau par exemple, saurons-nous articuler l’aménagement du territoire en fonction du parcours naturel de ses eaux? Le défi est de taille pour les milieux urbains qui sont en fait des zones grandement déboisées et minéralisées et où le parcours naturel des cours d’eau a été complètement modifié et altéré. Au-delà de la remise à neuf des infrastructures, nous devons percevoir la ville comme un véritable organisme vivant. Cela implique de comprendre l’évolution de l’écosystème dans lequel la ville a pris racine et d’apporter les correctifs nécessaires dans l’aménagement de cet espace. D’entrée de jeu, une des solutions afin d’assainir les eaux et d’en avoir en quantité suffisante est de remettre sur pied les écosystèmes forestiers. La forêt doit reprendre une place dominante au sein des espaces qui lui reviennent. Cela commence, évidemment, par la re-végétalisation des berges. Par exemple, même avec des moyens très modestes, les organismes de bassin versant du Québec réussissent à faire un travail important en ce sens en collaboration avec les acteurs socio-économiques des différentes régions. D’ailleurs, la gestion des territoires doit se faire en fonction des bassins versants. De la ligne de partage des eaux jusqu’au collecteur principal, l’eau doit être accessible et de bonne qualité pour tous. Nous sommes d’abord et avant tout des « bassinois » et des « bassinoises » qui partagent des enjeux socio-économiques et environnementaux à l’intérieur de l’espace géographique d’un bassin versant.
La biosphère va nous « supporter », elle a déjà connu maintes catastrophes… Comme le chantait Daniel Bélanger : « La fin de l’homme ne sera pas la fin du monde. » Par contre, saurons-nous nous adapter aux changements afin d’éviter l’irréparable ou est-il déjà trop tard? Effondrement de l’humanité ou effondrement d’un système déséquilibré? Choisir le fatalisme ne ferait qu’empirer la situation en nous menant assurément au déclin. Dès aujourd’hui, nous pouvons changer les choses par les gestes que nous posons. Et comme le déclarait si bien l’anthropologue Margaret Mead : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puissent changer le monde. D’ailleurs, c’est toujours ce qui s’est passé. »