
L’argent ne fait pas le bonheur dit-on, mais il en faut un minimum. Une étude publiée début septembre par l’Association canadienne de la paie (ACP)1 démontre, encore cette année, que les Canadiennes et les Canadiens doivent souvent se contenter de ce minimum.
Plus de 40 % de la population canadienne dépense la totalité de sa paie nette ou davantage chaque semaine. Le sondage indique même que 47 % des individus sont seulement en mesure d’épargner cinq pour cent ou moins de leurs gains.
Bien naïf qui peut se dire surpris de cette situation. Depuis quelques décennies, année après année, les salaires stagnent ou n’augmentent que d’un à deux pour cent par année. Pendant ce temps par contre, le prix des maisons, de la nourriture, des vêtements augmentent sans cesse et surtout sans égard à la capacité de payer de la population. Évidemment, on ne le dira jamais assez, les multinationales et les banques battent des records en profits annuellement.
Mais attention! Les mêmes répondants qui estiment ne pas pouvoir trouver 2 000 $ en cas de coup dur inattendu demeurent les privilégiés de la société.
Même si le gouvernement Couillard annonçait en grande pompe il y a un an que le nombre d’assistés sociaux atteignait son plus bas niveau en 20 ans, plus de 440 000 personnes, au Québec seulement, reçoivent encore cette aide de dernier recours.
Il est facile d’imaginer que ces personnes se contenteraient d’un salaire, si petit soit-il, qui leur permettrait de vivre d’une paie à l’autre. Quand on se compare, on se console!
Ce serait cependant prendre le problème à l’envers. Ce serait utiliser l’argumentaire néo-libéral. La répartition de la richesse doit demeurer au cœur d’une société qui se dit évoluée, démocratique et civilisée. Or, le Canada figure parmi les 10 pays industrialisés les plus prospères de la planète. Mais selon l’OCDE, c’est aussi le pays qui a connu la plus forte hausse des inégalités de revenus depuis 20 ans, derrière les États-Unis.
L’économiste Pierre Fortin explique le phénomène par les forces du marché et le désengagement de l’État dans la redistribution de la richesse. « Il y a des forces globales qui sont le changement technologique, qui favorisent les gens plus riches et plus éduqués, et la mondialisation qui défavorise les gens au bas de l’échelle. »2
Les solutions sont simples et mises de l’avant depuis longtemps par les économistes et autres intellectuels. Il faudrait, notamment, imposer davantage les banques et les grandes entreprises. Pour cela, il faut une volonté politique. Mais la politique marche main dans la main avec ces mêmes compagnies. Comment faire alors?
Depuis quelques semaines, l’idée d’augmenter le salaire minimum retient l’attention. Ce serait là une solution intéressante. Évidemment, ce ne sont pas toutes les entreprises qui pourraient se le permettre. Les gouvernements devraient alors intervenir (par des mesures fiscales, des congés de taxes, etc.). L’argent investi dans les salaires demeurerait dans l’économie active. Les travailleuses et les travailleurs paieraient plus d’impôt, consommeraient plus et paieraient par conséquent plus de taxes.
Mais on aura beau parler et chercher des solutions, la majorité de la population va toujours demeurer dans une situation financière précaire. On se débat dans une mare de sable mouvant simplement pour garder la tête à l’air libre avec des solutions de bouts de chandelles. Avons-nous d’autres choix? Seule une refonte en profondeur du système économique pourrait changer la donne mais ça… ce n’est pas demain la veille.
1. Le sondage a été réalisé en ligne entre les 27 juin et 5 août derniers par la firme Framework Partners. Sa marge d’erreur est de plus ou moins 1,3 %, 19 fois sur 20.
2. www.radio-canada.ca/sujet/elections-canada-2015/2015/09/15/006-etat-du-canada-partage-richesse-emploi-economie.shtml.