Enfant, j’habitais devant un parc où des moniteurs s’occupaient des enfants l’été, cinq jours par semaine. Outre les cinq parcs de cette petite ville, il y avait aussi un terrain de jeu excentré où les enfants pouvaient se rendre en autobus pour la journée, les activités y étaient plus encadrées. Il n’en coûtait pas un sou aux parents, c’était un choix de société des années 1960.
Pour la rentrée scolaire, l’école préparait une liste des fournitures, plutôt modeste; les enfants achetaient le matériel à la procure de l’établissement. Pourquoi la rentrée est-elle devenue une course folle et onéreuse?
L’Ontario a choisi de fournir gratuitement le matériel scolaire aux élèves et d’abolir les droits de scolarité à l’université pour les ménages dont le revenu est de 50 000 $ et moins. Le Québec, au contraire, ne semble plus considérer l’éducation comme un bien commun, mais comme un investissement personnel. Le Québec est encore l’endroit au Canada où les inégalités sociales sont moins importantes, mais pour combien de temps encore?
Le gouvernement du Parti québécois élu en 1976 nous avait donné une bonne idée des chantiers à entreprendre pour le bien commun, notamment : la Charte de la langue française, la protection du consommateur, la protection des terres agricoles. Il semble toutefois qu’on ait reculé sur plusieurs plans.
PROTECTION DU TERRITOIRE
Zoom arrière. Lors d’une partie de bras de fer au sujet d’un tracé de pipeline de gaz naturel, le ministre Garon, qui défendait sa loi toute neuve sur la protection des terres agricoles, l’avait emporté sur Yves Bérubé, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. Aujourd’hui, plus que jamais, il faudrait non seulement qu’on applique fermement cette loi, mais il faudrait également la renforcer pour contenir l’étalement urbain et les pétrolières. L’actuel projet de loi 106 des libéraux choisit une autre direction en donnant aux pétrolières un droit d’expropriation (sur 58 000 km2). En fait, c’est une loi de protection du territoire dont nous avons besoin pour préserver les terres agricoles, les paysages, nos milieux de vie, pour garantir la qualité de notre eau potable, celle de l’air et de notre nourriture. Et pour ce faire, l’environnement étant de prépondérance fédérale, il faut être un pays.
Dans sa biographie, l’ancien ministre Garon explique que l’autosuffisance alimentaire était un objectif : de 47 % en 1976, elle était passée à 80 % au milieu des années 1980. Aujourd’hui, on l’estime à 30 % environ. Qu’est-il arrivé? Les réseaux de distribution alimentaire sont majoritairement passés à des intérêts non québécois, les fermes familiales se sont raréfiées. Il fallait produire en gros pour vendre à de grands réseaux ou viser l’exportation, comme l’ont fait les grandes unités de production porcine. La mondialisation, c’est beaucoup les gros qui affament les petits et sont mangés par de plus gros encore. Or, aujourd’hui, on aurait besoin d’une agriculture de proximité pour la qualité et la traçabilité des aliments d’abord, pour réduire l’empreinte écologique et pour un mode de vie qui permet d’occuper notre territoire sainement. L’engouement pour les marchés publics n’est pas anodin. Les pois mange-tout chinois, non merci!
Pourquoi la production maraîchère en serre n’obtiendrait-elle pas les mêmes tarifs d’électricité que la production d’aluminium? Faut-il attendre la complète désertification de la Californie?
Protéger le territoire, c’est aussi gérer les déchets. En France, on a adopté une loi contre l’obsolescence programmée. J’ai dû remplacer mon frigo cet été : la vendeuse m’a prévenue que la durée de vie d’un frigo était de 7 ou 8 ans, quel que soit le prix payé. Le précédent avait duré 15 ans. Celui de ma mère plus de 30 ans. Gros déchets indécents. S’il faut fabriquer nous-mêmes des appareils durables, pourquoi pas?
II n’y pas motif à quitter le Canada s’il s’agit seulement de déménager des postes budgétaires. Faire du Québec un pays, c’est faire des choix de société.
Lors d’un référendum, il y aura ceux qui voteront « non » par refus du changement, et il y aura ceux qui pourraient voter « non » parce que le projet n’offrirait pas les changements nécessaires pour relever les défis du XXIe siècle.
Rêver le pays pour rêver demain. Avec des idées simples et de l’audace. Un territoire pour les gens, pas pour l’économie. Parce que la planète a besoin de gens qui rêvent à autre chose qu’un compte de banque.