Actualité

Lettre de l’Enfant du Canada

Par Fred Dubé le 2016/05
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Lettre de l’Enfant du Canada

Par Fred Dubé le 2016/05

Je suis l’Enfant du Canada. Celui qu’on ne voit pas, qu’on n’écoute pas, dont on entend le ventre gargouiller. Je suis le pourcentage. Quand on dit « 19 % des enfants au Canada vivent dans la pauvreté », c’est moi ça.

Selon un rapport publié par l’UNICEF le 14 avril 2016, le Canada est l’une des sociétés riches les plus inégalitaires pour les enfants. Le bilan classe le Canada au 26e rang sur 35 pays dans quatre principaux domaines, soit le revenu, l’éducation, la santé et la satisfaction à l’égard de la vie.

Je viens de l’utérus du Canada. On m’a mis au monde en me disant de ne pas y toucher. Ton drapeau est rouge sur fond blanc, comme une serviette sanitaire. Ton drapeau est la métaphore de tous ces enfants qui ne passeront pas le mois.

Je suis l’Enfant qui rappelle au dragon Gilbert Rozon que si, comme il le dit à Tout le monde en parle, les choses s’améliorent, eh bien, je demande : elles s’améliorent pour qui, mon Gilbert? Sans aucun doute pour toi pis pour certains humoristes bourgeois qui foulent la scène de ton festival où la médiocrité est élevée au rang de gala.

Quand je demande où est la richesse. On me répond : « Est’ partie, comme grand-papa, vers le paradis fiscal pour les gens à droite de Dieu. »

Je suis l’Enfant d’immigrant que Marine Le Pen vous dit de ne pas accueillir sur les ondes de TVA, de LCN et d’autres médias xénophobes.

Je suis cet Enfant qui constate la mort intellectuelle de Radio-Canada. Si Ottawa a déposé son projet de loi sur l’aide médicale à mourir, c’est pour accompagner Radio-Canada vers son déclin final.

Je suis cet Enfant né déjà coupable de tout. On m’accuse même d’avoir volé la jambe de Terry Fox.

Je suis cet Enfant qui ne comprend pas, qui demande pardon, même à son agresseur.

Je suis l’Enfant invisible dans les médias qui habite Montréal Nord. Montréal Nord, c’est un peu comme un coup de soleil : faut que ça brûle, pour qu’on en parle.

Je suis cet Enfant autochtone, pogné entre deux mondes, qui se demande encore pourquoi et comment René Angélil est l’ambassadeur de sa culture.

Je suis l’Enfant, accoutré comme Oliver Twist, qui a depuis longtemps refermé ses petits points sur les i.

Je suis l’Enfant gaspésien attaqué, colonisé, violé par des compagnies pétrolières pendant que l’Assemblée nationale m’attache les deux mains à un pare-chocs de char qui me fait un lift au dépanneur pour acheter de l’eau en bouteille importée de la France.

Je suis cet enfant, à qui le poète François Guerrette demande pardon, quand il nous dit : « De nos restes vous serez les habitants, vous apprendrez à vivre dans ce qui vous tue ».

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