
À l’heure où la nécessité d’une réforme en profondeur de nos institutions politiques est devenue une évidence pour de plus en plus de citoyens, le livre d’André Larocque, Robert Burns : le ministre de la démocratie citoyenne, est essentiel.
Il l’est d’abord bien sûr pour le récit qu’il nous fait du passage de Robert Burns en politique et du rôle qu’il a joué dans la mise en marche de la réforme démocratique que lui avait confiée René Lévesque, mais il l’est plus encore en raison de celui qui nous raconte cette histoire peu connue.
Nul autre qu’André Larocque, qui fut sous-ministre de Robert Burns à la fin des années 1970 et adjoint à la réforme démocratique, ne pouvait mieux raconter le cheminement de ce projet révolutionnaire de réforme démocratique qui était, on l’oublie trop souvent, au cœur même du projet de René Lévesque.
Le récit d’André Larocque nous permet de vivre en direct l’audace et la créativité qui ont inspiré la petite équipe de Robert Burns dans la mise en place des premières étapes d’un plan ambitieux de dix réformes démocratiques, qui n’a rien perdu de son actualité, ni de son urgence, car il a avorté en chemin, pour des raisons qui nous sont clairement expliquées, pour la première fois à ma connaissance, à savoir l’opposition des partis politiques, y compris celle de dirigeants notoires du Parti québécois.
Ce récit est d’autant plus unique et éclairant qu’André Larocque est sans contredit le meilleur défenseur de la démocratie citoyenne et des institutions démocratiques que nous ayons au Québec. La force de son discours vient du fait que, plus que tout autre, il a compris que c’est la souveraineté du peuple qui est le fondement de la démocratie et qui doit inspirer toutes ses institutions, comme il l’a magistralement démontré dans ses livres trop peu connus : Au pouvoir, citoyens! Mettre fin à l’usurpation des partis politiques et Dialogue avec Claude Béland sur une constitution du Québec d’aujourd’hui.
André Larocque a été, avec Robert Burns, l’artisan des lois sur le financement des partis politiques, sur les élections, sur la carte électorale, sur les consultations populaires (référendums) et sur l’accès à l’information, et il a encore en main des projets de loi qui n’ont pu voir le jour, à savoir les lois sur le mode de scrutin proportionnel régional, l’initiative populaire, le système présidentiel et la séparation des pouvoirs, la décentralisation territoriale et la convocation d’une assemblée constituante tirée au sort pour coordonner la rédaction d’une constitution québécoise.
Il a aussi été l’artisan, avec Claude Béland, de l’extraordinaire exercice démocratique des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques de 2003, dont les résultats ont malheureusement été ignorés par les gouvernements, et, en plus d’avoir conseillé plusieurs politiciens et militants, il a aussi été partie prenante de la dernière intervention publique de Robert Burns dans un mémoire percutant sur le financement des partis politiques, malheureusement ignoré de la commission Charbonneau.
Ce dernier livre de Larocque est une bombe pour tous les politiciens et les partis politiques qui exercent ou ambitionnent d’exercer le pouvoir et de représenter les citoyens. La nouvelle loi sur le financement des partis politiques, dont se targuent les partis politiques pour nous rassurer sur leur intégrité, y est sévèrement dénoncée comme l’ultime perversion du projet initial de René Lévesque et de Robert Burns.
Lors du lancement du livre à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Claude Béland, André Larocque et moi avons pris la parole dans un plaidoyer pour une réforme de notre démocratie par les citoyens eux-mêmes, puisque, de toute évidence, « les partis politiques ne feront jamais rien pour redonner le pouvoir aux citoyens » (Claude Béland). Et ce lieu où les citoyens pourraient dicter les nouvelles règles du jeu, c’est, au dire des intervenants, quelque chose comme une assemblée constituante citoyenne indépendante des partis, chargée de proposer une constitution au peuple québécois et son adoption par référendum.
Inutile de dire que plusieurs politiciens se sont vite sentis visés et se sont éclipsés en douce. Comme toujours, ils laisseront le silence et le temps éteindre le feu, mais cette prise de parole étonnamment énergique et décontractée, dans cette enceinte de l’Assemblée nationale, ajoutée aux mises en accusation en cours de politiciens de premier plan, me semble préluder à une sorte d’éclatement de la mascarade qui nous tient lieu de démocratie.