
«Je t’écris pour te dire que je t’aime / que tout finira dans tes bras amarré », clamait l’indomptable Gaston Miron dans son poème « Je t’écris ». Maxime Catellier poursuit la lettre dans son deuxième roman Golden Square Mile, publié à l’automne 2015 chez L’Oie de Cravan : « Je t’écris une lettre, une lettre d’amour, une avalanche sur les éboulements du temps perdu qui jonche mon coeur noyé dans la dérive de Zou. J’ai décidé d’écrire pour ne pas devenir fou. » Les lecteurs sont avertis : un discret lamento se pointe sous le titre de la page de garde.
Sous forme de récit poétique à la limite de l’autofiction, Catellier nous traîne dans une obsession amoureuse qui se fracasse sur les trottoirs hivernaux du Centre-Sud de Montréal : « Je marche depuis ce matin sans relâche et le mille carré de neige est sale comme les draps de la veille, il y a des millions de mots noirs qui le salissent et des couleurs qui le tachent et des odeurs qui l’empestent et des baisers qui le frôlent ». Une longue plainte de désir pour Zou, jeune comédienne à la beauté des forêts en flammes, qui hante tous les coins du quartier, qui vient pendre son rire aux portes des fêtes sans bruit et ramène l’écrivain aux anciens étourdissements romantiques de la vie auprès de son Fantôme. Dans sa maladie d’amour infatigable, l’homme hypnotisé erre dans les rues comme autant de souvenirs cartographiés, il« marche au milieu des mots dans l’ombre de [sa] lettre ».
Les chapitres sont tricotés doucement par quelques poèmes classiques empruntant la forme des sonnets. Des photographies réalistes sont aussi déposées entre les pages, certaines prises par l’auteur, et viennent illustrer des détails du récit dans un brouillard nostalgique et amplifier la sensation de vérité.
Golden Square Mile affiche la prose passionnée des surréalistes, un peu à la manière du mythique Nadja d’André Breton ou encore de tous les Elsa de Louis Aragon. Style glorieux qui rencontre parfois quelques obstacles, car il est vrai que le « parler d’amour » de ce livre glisse un petit doigt dans la redondance. On se frappe aux mêmes litanies répétées, qui amplifient cette obsession infinie de Zou. Mais marcher dans l’impossibilité d’un amour, c’est un peu, aussi, tourner en rond.