L’automne dernier, le Salon du livre de Rimouski remettait le prix Jovette-Bernier à Bernard Boucher pour le recueil Anthime et autres récits, publié aux éditions L’instant même. L’auteur, qui figure dans le Dictionnaire des auteurs des littératures de l’imaginaire en Amérique française, s’est d’abord démarqué avec ses romans pour la jeunesse, et bien qu’il habite maintenant en Bretagne, sa Gaspésie natale demeure la source d’inspiration de ses récits.
À la lecture de ce recueil, le lecteur fait un voyage dans le temps, à l’époque où la construction du chemin de fer devait développer le pays d’un océan à l’autre. On y rencontre des Gaspésiens de souche typés, qui s’expriment en bons vieux dictons (« L’orgueil serait un péché moins capital qu’on le prêche », « L’aventure, ça creuse l’appétit »), certains travaillant avec humilité à bâtir une région, d’autres se vouant à leurs occupations en accord avec ce que le territoire a à leur offrir : chasse, pêche. Les récits, errant entre les rêves d’une région rayonnante et l’amertume de voir ces mêmes rêves brisés, sont livrés dans un langage qui hésite entre l’oralité du conte et la prose littéraire. Bien que l’on sente que l’intention de l’auteur était de rendre un vibrant hommage à ces bâtisseurs, le lecteur peine à croire à ces personnages : on aurait aimé les connaître et les entendre, mais les clichés abondent et rendent les récits prévisibles. À force d’allers-retours entre les univers du quotidien et de l’imaginaire, les légendes, même inspirées de personnages réels (La promesse de Roland English), n’arrivent pas à prendre corps et à marquer l’imaginaire collectif.
Cette lecture décevante soulève une question : quelles étaient les autres œuvres en lice pour ce prix remis par le Salon du livre de Rimouski? Sur les neuf auteurs qui figuraient sur cette liste, trois ont été retenus en tant que finalistes — dont un auteur de romans jeunesse, catégorie qui est écartée pour l’édition 2016. Certains auteurs parmi les exclus auraient mérité de passer au dernier tour, pour la singularité de leur voix qui se démarque dans le paysage littéraire. Est-ce que, en célébrant ses noces d’or, le jury du Salon du livre a ressenti la nostalgie du défunt prix Ville de Rimouski, dont le principal critère était de souligner la présence du fleuve dans une œuvre littéraire? Être le plus ancien des événements du genre au Québec, il y a de quoi être fier… En espérant que le lauréat de la prochaine édition sera représentatif de la fierté que les gens de la région portent au talent de leurs auteurs et à leur littérature, qui ne véhicule pas que des clichés régionalistes.