
Le Salon du livre de Rimouski est arrivé à l’âge vénérable de 50 ans. « Ah!, me suis-je exclamée, ce sera sans doute le temps de revenir sur les années passées, sur les réussites, les difficultés, les grands questionnements. On retracera comment l’événement a évolué, on réfléchira aux secrets de sa longévité. On parlera probablement de sa création. On célébrera le dévouement des Dames Hélène-de-Champlain, ces femmes passionnées qui œuvraient à la démocratisation de l’accès à la littérature. On racontera comment leur groupe s’est formé en pleine Révolution tranquille et de quelle manière elles ont mis en œuvre l’organisation du premier Salon du livre au Québec, en octobre 1964, à Rimouski. »
Dans mon enthousiasme, je me suis mise à parier sur les bons coups qu’on allait mettre de l’avant. Il y en a plusieurs. Un remarquable : l’allée de la BD. Une formule qui valorise le genre de la bande dessinée depuis 2004 et qui connaît un succès non seulement auprès du public, mais qui suscite aussi l’engouement des auteurs qui font maintenant la file pour pouvoir y présenter leur travail. On pourrait en dire autant d’un autre genre qu’on accueillera en grand cette année avec le nouveau Pavillon de la poésie. Ce n’est qu’au Salon de Rimouski que la poésie occupe plusieurs segments de la programmation à heures de grande fréquentation. Nombre de poètes québécois viennent à Rimouski uniquement parce que le Salon leur accorde une place de choix.
La plus marquante réussite du Salon, à mes yeux, est d’avoir fait le pari de devenir, au-delà d’un événement commercial et culturel, un lieu d’échanges citoyens. En choisissant trois années consécutives l’essai comme genre à l’honneur, en présentant tables rondes, conférences et rencontres d’auteurs sur des thèmes qui touchent divers enjeux de société : l’environnement, la laïcité, la langue française, les mutations des médias, pour ne nommer que ceux-là, le Salon du livre de Rimouski est devenu un lieu où on se questionne, où les idées sont exposées, comme les livres, et où la possibilité et l’accès à la réflexion sont offerts, pas seulement à une élite, mais au grand public.
J’aurais dû savoir, moi qui ai connu l’organisation de l’intérieur, que le Salon du livre de Rimouski n’est pas du genre nostalgique, mais plutôt du genre innovant. Pour son 50e anniversaire, le plus ancien salon du livre au Québec a décidé de regarder devant, d’utiliser la maturité et la force acquise pour se propulser dans une réflexion absolument nécessaire : quel rôle peut-on jouer individuellement et collectivement dans les prochaines années?
Modeler le futur. C’est le titre de l’événement qui marque les 50 ans du Salon. Une série de conférences où penseurs, essayistes et chroniqueurs québécois offrent le fruit de leur réflexion sur l’avenir. Divers horizons de recherche, des thèmes riches : l’urbanisme, l’agriculture, le territoire nordique, la souveraineté, le système de santé et la crise migratoire seront autant de sujets auxquels réfléchir pour se donner matière à façonner demain. J’attends avec impatience la conférence d’Alain Deneault qui a récemment publié La médiocratie chez Lux Éditeur et celle de la journaliste Pascale Navarro : Femmes et pouvoir : les changements nécessaires.
Mais tout de même, après 50 ans, pourquoi avoir choisi la projection dans l’avenir plutôt que le bilan? C’est ce que j’ai demandé à celui qui fête son 20e anniversaire à la barre du Salon du livre de Rimouski, le directeur général Robin Doucet. « On veut faire du 50e un tremplin pour aller de l’avant. Une occasion de réfléchir sur les jours à venir, ensemble. C’est audacieux parce qu’on demande un effort, une participation. Il y a beaucoup plus que l’aspect commercial au Salon. »
Cela dit, on regarde devant, mais on ne renie pas le passé. Un livre qui retrace l’histoire du Salon, de sa création à aujourd’hui, autoédité par le Salon du livre de Rimouski et piloté par l’historien Kurt Vignola, sera disponible prochainement dans les bibliothèques de Rimouski.