
Chroniqueur économique pour Radio-Canada, auteur de plusieurs articles parus dans Le Devoir, Le Soleil, Le Mouton Noir, Fernand Cousineau livre ce printemps sa troisième œuvre de fiction, Trouver son champ. L’auteur prend le lecteur par la main et le ramène, le temps de sept récits, dans la balançoire de grand-maman pour lui raconter des souvenirs d’enfance.
Grâce à son protagoniste, un garçon oscillant entre l’enfance et l’âge adulte selon les récits, l’auteur oblige le lecteur à s’arrêter pour sentir l’odeur des arbres et observer les personnages travailler aux champs.
Dans une écriture simple et sans prétention, Fernand Cousineau livre le cœur d’un homme en décalage avec son environnement. Alors qu’on le pousse, dès son plus jeune âge, à faire comme ses frères et sœurs et à s’acharner aux champs, lui ne demande qu’une chose : observer les fruits de son imagination à l’orée des bois. « Des licornes, des centaures, des cyclopes, des cerfs, des girafes et des éléphants qui lui faisaient la parade… Vous dire jusqu’à quel point il les voyait… Et vlan ! Un coup de pied au cul, à coup sûr, le ramenait à l’heure des patates. » La relation tendue entre le personnage et son père, qui incarne l’homme des champs par excellence et qui désespère de voir son fils gaspiller tout son argent à l’école, persiste au fil des pages. Cette relation, faite de distorsions, de secrets, de honte et de non-dits, touche par une cruauté implicite.
À travers les récits, présentés comme des souvenirs par Fernand le narrateur, le lecteur assiste à l’éclosion d’un protagoniste qui, maladroit au champ, trouve sa place dans les livres, entre le tableau et les pupitres. Cela dit, ce retour à la mémoire des champs permet un deuxième niveau de profondeur dans le regard du narrateur qui prend lui-même du recul face à ces souvenirs; il les présente donc différemment que s’il était en train de les vivre. « À cette époque, je n’avais pas mesuré l’ampleur que prendrait cette saison sur le reste de ma vie. Il me fallut plusieurs années avant de comprendre comment j’avais été marqué par ce passage au champ des voisins et que pour s’assurer d’un équilibre intérieur, il nous fallait trouver son champ… »
La naïveté de la narration entraîne, à sa façon, un retour à la terre. Loin de la « corruption » des villes, elle pointe, dans sa simplicité et sa franchise, les problèmes des champs. Les relations entre voisins, les tensions familiales, les injustices de cour de récréation, la vie de « cabot », tous ces tableaux de campagne se voient renforcés par le champ lexical et la récurrence de certains mots.
En refermant le livre, une seule envie : s’asseoir sur un rocher et observer le fleuve, les champs, le ciel, l’éclosion des fleurs de lilas. Et quelque part entre ces étendues, se trouver soi.