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Révolutions et restaurations

Par Katerine Gosselin le 2015/06
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Révolutions et restaurations

Par Katerine Gosselin le 2015/06

Le gouvernement provincial est en train de procéder, insidieusement mais radicalement, à une transformation du rôle de l’État. Santé, éducation, services sociaux, culture, etc., chacun est obligé de garder le peu de moyens qu’il lui reste pour sauver sa peau et éteindre les feux dans sa propre cour. Comme si ce gouvernement sans imagination avait trouvé le moyen le plus bête et le plus simple d’enterrer la Révolution tranquille : lui opposer une restauration tranquille, un retour au monde d’avant.

Cette restauration serait non seulement tranquille mais silencieuse, si ce n’était de quelques groupes qui s’évertuent à sonner l’alarme. C’est ce que le mouvement étudiant a essayé de faire dans les derniers mois, avec moins de succès qu’en 2012 cependant, pour autant qu’on puisse actuellement en juger. Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent cette diminution de l’impact du mouvement étudiant. Parmi ces raisons, il en est une qui m’apparaît fondamentale. Par rapport à 2012, la situation s’est inversée : les étudiants, qui luttent traditionnellement pour la transformation du système, en sont réduits par le gouvernement Couillard à lutter pour sa préservation.

De fait, c’est le gouvernement qui est en train de transformer en douce le système, et qui place les étudiants en situation de réaction. Le renversement est complet. Pas de mesure éclatante comme en 2012, une hausse sans précédent des frais de scolarité, qui pouvait rassembler une majorité derrière une revendication commune. Cette fois, juste un démantèlement par petits morceaux du système, laissant toute la place à la critique mais peu de prise ferme pour l’action ciblée. Si l’on est d’accord pour voir dans les interventions du gouvernement actuel une restauration tranquille, on s’entendra pour dire que les étudiants sont maintenant engagés dans un mouvement de contre-restauration. Position ingrate s’il en est une, qui contraint à lutter non plus pour le progrès, mais d’abord contre le non-progrès.

Il semble qu’il faille dorénavant lutter pour que l’histoire conserve un potentiel de transformation, sinon de progression. Le souvenir de la grève de 2012 qui a accompagné celle de 2015 prend là toute son importance. Point d’appui pour se propulser dans l’avenir, il situe le présent dans une histoire qu’il s’agit de remettre en mouvement. En ce sens, le mouvement étudiant est en phase avec l’art contemporain et la mémoire qu’il conserve des révolutions qui font partie de son histoire. On a dit et redit, dans les années 1980 et jusqu’au tournant du millénaire, que les mouvements d’avant-garde étaient dorénavant chose du passé, et que les révolutions artistiques s’étaient éteintes en même temps que les révolutions politiques. Mais il apparaît aujourd’hui que, comme souvent, le glas avait été sonné un peu trop vite.

Si l’heure n’est plus aux révolutions, en art, elle n’est pas davantage au rejet des révolutions, et encore moins aux restaurations, tranquilles ou pas. L’heure est davantage à la mémoire des révolutions, dont le souvenir est apte à mobiliser le présent et à générer sa transformation. Il ne s’agit plus alors, en art comme en politique, d’accélérer ni même de reconduire le mouvement des révolutions, mais d’y puiser un dynamisme qui, quoi qu’on en dise, demeure vital aux individus comme aux sociétés.

Alors qu’on voit partout l’histoire se répéter de pire en pire, la restauration tranquille semble équivaloir à un arrêt de mort. Pas étonnant que les plus jeunes réagissent. Qu’on croit ou non au bien-fondé ou à l’efficacité du mouvement étudiant, et quelles que soient les critiques qu’on peut lui adresser, on ne peut nier qu’il a réussi à faire entendre une opposition dans la dernière saison politique. Cette opposition a le mérite de nous rappeler que les restaurations ne sont jamais réellement tranquilles, pas plus que ne l’ont jamais été les révolutions.

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