En novembre 2014, dans le cadre des 12 jours d’action pour l’élimination de la violence envers les femmes, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale lançait la deuxième édition de la campagne Vivre la violence conjugale, leur réalité dépasse parfois la fiction. Par le site Web, vivrelaviolenceconjugale.ca, cette campagne présentait des témoignages de femmes ou d’enfants qui ont reçu le soutien des maisons d’aide et d’hébergement ainsi que des témoignages d’intervenantes qui les côtoient quotidiennement. Les victimes anonymes ou leurs proches étaient invités à inscire leur histoire. Fin décembre, on pouvait y lire ou y visionner plus de 420 récits.
Pourquoi une telle campagne?
Le premier objectif de cette campagne est de permettre à des femmes, qui subissent actuellement de la violence, du contrôle de la part de leur conjoint, d’identifier ce qu’elles vivent. Si cela peut paraître surprenant, encore aujourd’hui, bien des femmes n’arrivent pas à mettre des mots sur le désarroi qu’elles ressentent. La violence s’installe lentement, insidieusement, et certaines femmes finissent par penser que cela fait partie de la vie de couple. Plusieurs d’entre elles ne pensent pas être victimes de violence conjugale parce que leur conjoint n’a jamais levé la main sur elles.
Comme bien des femmes, plusieurs personnes ne saisissent pas qu’elles font face à de la violence conjugale tant que celle-ci ne prend pas la forme d’une agression physique.
Par cette campagne nationale, le Regroupement espère que plus de gens sauront détecter la violence conjugale dans leur entourage. En effet, quand on ne l’a pas vécue soi-même, on a parfois peine à l’imaginer, à identifier les situations de contrôle et de violence. Devant certaines situations, on se dit qu’il s’agit d’une chicane de couple et que ça ne nous regarde pas. Comme bien des femmes, plusieurs personnes ne saisissent pas qu’elles font face à de la violence conjugale tant que celle-ci ne prend pas la forme d’une agression physique. Pourtant, des mots comme « T’es rien », « Tu vaux rien », « T’es même pas belle », « Tu comprends rien, même quand on t’explique », « T’es même pas capable de t’occuper de tes enfants » détruisent à petit feu et permettent à des hommes de contrôler leur conjointe, d’obtenir qu’elle se soumette sans avoir besoin d’en venir aux coups.
Or, identifier la violence conjugale est le premier pas à faire. Le Regroupement espère donc que celles et ceux dont une proche, une sœur, une fille, une collègue, une voisine est victime de violence conjugale se mobiliseront pour la soutenir. Comment? En l’informant de l’existence de ce site qu’elle pourra visiter et en lui faisant connaître des ressources qu’elle peut consulter en toute confidentialité.
Rejoindre plus de victimes, plus rapidement
En 2013-2014, les 45 maisons membres du Regroupement ont hébergé quelque 3 000 femmes victimes de violence conjugale. Selon les statistiques policières recensées par le ministère de la Sécurité publique, en 2012, 19 731 infractions criminelles auraient été commises en contexte conjugal. Dans 80 % des cas, la victime était une femme. Or, selon Statistique Canada, seuls 30 % des gestes de violence conjugale seraient rapportés aux autorités policières. Si cette estimation est exacte, plus de 50 000 Québécoises en seraient victimes, et c’est sans compter celles, plus nombreuses encore, qui subissent les agressions verbales ou psychologiques qui ne peuvent faire l’objet d’une poursuite criminelle. À titre d’information, en 2013-2014, dans les maisons membres du Regroupement, la violence physique ou sexuelle était la principale raison de la demande d’hébergement dans seulement 35 % des cas.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la violence conjugale est la cause principale de mort et d’atteinte à la santé des femmes de 16 à 44 ans, plus que le cancer, la malaria ou les accidents de la route.
On peut donc le constater, un trop grand nombre de Québécoises subissent encore aujourd’hui le contrôle et la violence d’un conjoint. Et cette violence n’est pas sans laisser de traces.
En effet, au-delà des conséquences immédiates comme un sentiment d’impuissance ou d’humiliation ou des blessures physiques, la violence peut avoir des conséquences plus graves : un état de confusion, une perte d’estime de soi, de confiance en soi, une incapacité de s’affirmer, la dépression ou d’autres problèmes de santé mentale. Des problèmes de santé, tels fatigue chronique, asthme, ulcères, hypertension, migraines, crises de panique, peuvent également se développer. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la violence conjugale est la cause principale de mort et d’atteinte à la santé des femmes de 16 à 44 ans, plus que le cancer, la malaria ou les accidents de la route. Et les femmes ne sont pas les seules atteintes. Plusieurs études montrent que les enfants de femmes violentées présenteraient plus de problèmes psychologiques graves, des problèmes chroniques de santé physique et un taux d’accidents avec blessures graves plus élevé.
Opérer des changements profonds
Cette violence entraîne des coûts humains et sociaux importants. Le Regroupement espère donc amener les intervenants, les fonctionnaires, les décideurs politiques à mieux saisir la réalité de ces femmes et à redoubler d’efforts pour prévenir la violence conjugale et aider les victimes à s’en sortir. On pense ici au soutien psychosocial, à l’accès au logement, à l’accès à un revenu décent, à l’intégration en emploi, à une meilleure réponse du système de justice. On pense évidemment à un changement profond de mentalités pour une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Car, en définitive, on ne violente pas son égal.