
Longue et étroite, l’île Saint-Barnabé ferme en partie la baie de Rimouski. Elle constitue le fond de scène du grand amphithéâtre naturel sur lequel est installée la ville. Horizon des Rimouskois, elle occupe dans leur imaginaire une place à l’échelle de celle qu’elle occupe dans leur paysage. Des cultivateurs aux villégiateurs, des contrebandiers aux bûcherons, les insulaires hantent toujours la mémoire collective. Le premier habitant connu de l’île, Toussaint Cartier dit l’ermite, y a vécu en solitaire d’environ 1728 jusqu’à sa mort en 1767. Il occupe aujourd’hui une place privilégiée dans la mythologie rimouskoise.
Depuis 2009, le Laboratoire d’archéologie et de patrimoine de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) mène chaque été des interventions archéologiques sur l’île Saint-Barnabé. Ces travaux, à l’interface de la recherche académique, de l’enseignement et du service à la collectivité, ont été lancés en collaboration avec Ruralys et à l’invitation de Tourisme Rimouski, qui souhaitait enrichir l’offre touristique de l’île en mettant en valeur son patrimoine historique, tout particulièrement la figure de Toussaint Cartier. Dès les premiers sondages, le site où aurait vécu l’ermite a livré des artefacts confirmant une occupation du XVIIIe siècle. Ces résultats ont suscité l’enthousiasme des médias et attiré environ 150 visiteurs par semaine lors des deux premières saisons. Pour plusieurs, la visite du chantier prenait le caractère d’un pèlerinage qui leur permettait de matérialiser un personnage mythique auquel ils étaient manifestement très attachés. Certains questionnaient même les archéologues et les étudiants sans prendre la peine de nommer le personnage : « A-t-il vraiment existé? », « Avez-vous trouvé sa maison? ».
En accueillant les visiteurs sur le chantier archéologique et en partageant avec eux les résultats de leur travail, les fouilleurs étudiants ont su les intéresser à une histoire encore plus riche que la seule histoire de l’ermite. Les travaux ont notamment démontré une présence amérindienne sur l’île. Ils ont également livré de très riches assemblages d’artefacts qui témoignent des occupations successives et des différents modes d’exploitation de l’île aux XIXe et XXe siècles. La curiosité des visiteurs pour ces vestiges démontre que la valeur patrimoniale et l’intérêt d’un site ne dépendent pas que de son ancienneté : au contraire, les visiteurs sont interpellés par des artefacts récents qu’ils savent reconnaître et ils sont d’autant plus sensibles à leur pouvoir évocateur. Souvent impressionnés par la densité des dépotoirs récents et par le travail minutieux qu’ils demandent aux fouilleurs, les visiteurs s’intéressent de plus en plus aux techniques et aux méthodes de la fouille archéologique ainsi qu’à l’expérience des étudiants. L’archéologie s’inscrit désormais dans la trame historique de l’île Saint-Barnabé. Après l’agriculture, la contrebande, l’exploitation forestière, la chasse et la villégiature, l’île est devenue à son tour un objet de mise en valeur.
L’équipe de l’UQAR sera sur l’île Saint-Barnabé, pour une sixième année consécutive, du 14 juillet au 8 août 2014. On pourra voir l’équipe au travail et rencontrer les étudiants du lundi au vendredi inclusivement; un membre de l’équipe sera sur place pour accueillir les visiteurs les samedis et les dimanches jusqu’au 10 août.