Gaston Miron : un homme revenu d’en dehors du monde, film essai de Simon Beaulieu, composé uniquement d’images d’archives et guidé par la voix de Miron, est une invitation irrésistible au cœur de la poésie québécoise.
Après le visionnement de ce film, je suis moi-même revenue d’un monde : le Québec. Pas celui de mon quotidien d’immigrée et encore moins du Canada, où je pensais m’installer quand je suis arrivée ici. Non. Le film de Simon Beaulieu évoque la singularité du Québec à travers un homme d’ici, un Québécois.
« Tu sais, quand on ne sait pas lire ni écrire, on est toujours dans le noir. » Lorsque le grand-père de Miron lui avoue son illettrisme et le noir dans lequel ce manque le plonge, on passe du singulier à l’universel. Et on peut croire que Miron parle autant aux mineurs cévenols du sud de la France qu’à nos grands-pères qui vivaient de la terre, peu importe où. « Tout le noir de ces hommes est entré en moi. Je me disais, il faut que j’assume tout ce noir, il faut que je dise, que j’écrive que ces gens-là n’ont pas vécu en vain, que ces gens-là ont laissé une trace. »
Miron rappelle qu’un Italien peut se transcender dans une culture globale qui est la culture italienne, un Chinois, un Mexicain, un Américain aussi, mais nous? Ici, le Québec et les Québécois sont au cœur de l’attention. Nous ne sommes ni dans les Cévennes ni ailleurs. Je ne suis plus Française, je m’interroge sur l’identité du Québec.
Pour avoir un futur, la culture doit s’ancrer dans la politique, être assumée par le peuple avec vigueur. Parce que l’œuvre d’art québécoise ne suffit pas s’il n’y a plus de Québécois pour en faire l’expérience.
Évidemment, la question de la culture rejoint celle de la langue. « D’accord, on est des Nord-Américains […] personne ne peut le contester, mais je ne vois pas en quoi ça peut constituer une identité! Ça veut dire au contraire que c’est la démission, c’est s’en remettre à un continent pour se définir comme identité, c’est justement l’aveu de l’impuissance à se donner une identité propre, c’est aussi l’aveu de l’impuissance à s’assumer comme parlant français capables d’exprimer l’Amérique. »
Ainsi, je découvre l’âme du Québec grâce à des images d’archives et à un scénario qui met Gaston Miron au centre de la question culturelle, véritable poumon du peuple. J’attrape le cœur de cette province où je vis, de ce peuple que je côtoie. Et je le salue depuis mon humble position d’immigrée pour son courage et sa voix. Je salue ceux qui portent à bout de bras la nécessité indéniable de se transcender dans leur propre culture.
Le documentaire Gaston Miron : un homme revenu d’en dehors du monde sera présenté le 10 avril au cinéma Paraloeil de Rimouski.