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Une vraie démarche vers l’indépendance?

Par Paul Cliche le 2014/03
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Une vraie démarche vers l’indépendance?

Par Paul Cliche le 2014/03

La première ministre Marois a promis récemment de présenter un livre blanc sur l’avenir du Québec si son gouvernement devient majoritaire lors des prochaines élections. Ce document, a-t-elle dit, ne ferait pas la promotion de la souveraineté, mais donnerait plutôt le coup d’envoi à une vaste consultation publique. Il s’agirait, a-t-elle précisé, d’une « démarche objective et rigoureuse [qui] ferait état des avantages et des inconvénients » de la situation dans laquelle Québec se retrouve avec Ottawa, en ajoutant que « l’idée n’est pas de faire un livre noir sur le Canada ni d’imposer notre option ».

Cette promesse en laisse plusieurs sceptiques. S’agit-il d’un ballon d’essai pré-électoral ou du début d’une démarche vers l’indépendance où la souveraineté politique se conjuguerait avec la souveraineté populaire?

D’abord, ce projet est flou et ambigu. On n’y précise pas les modalités de l’éventuelle consultation. Plusieurs, dont le président du Conseil de la souveraineté, Gilbert Paquette, craignent que la première ministre ne se serve de cet engagement comme d’un prétexte pour évacuer le débat sur la souveraineté de la campagne électorale.

De plus, des ministres ont carrément contredit la chef de gouvernement sur le sens à donner à l’exercice. Ainsi, le ministre Pierre Duchesne a présenté l’éventuel livre blanc comme un outil pour montrer « les échecs » du fédéralisme et a parlé de l’éventuelle consultation comme d’un exercice « de pédagogie » sur la souveraineté.

Ces points de vue opposés mettent en relief la différence fondamentale entre les deux stratégies préconisées pour permettre au Québec d’accéder à la souveraineté. Au PQ, on a emprunté jusqu’ici les sentiers battus du prosélytisme. Cette stratégie a porté ses fruits jusqu’à la limite lors du référendum de 1995 où le camp du « oui » a failli être majoritaire. Mais créer un pays viable qui résisterait aux assauts des fédéralistes est un défi beaucoup plus exigeant que de profiter astucieusement d’une embellie de la conjoncture pour aller décrocher une mince majorité dans un référendum. Ainsi, les premiers ministres Bouchard et Landry ont attendu vainement que des « conditions favorables » soient au rendez-vous pour tenir un autre référendum. C’est au tour de Pauline Marois d’adopter une position semblable avec sa gouvernance souverainiste qui a produit jusqu’ici des résultats microscopiques.

Un changement de paradigme

Devant cette sombre situation, il est évident qu’un changement de paradigme s’impose dans la stratégie du camp souverainiste. Il faut réhabiliter la souveraineté populaire, c’est-à-dire qu’il faut cesser d’attendre que toutes les décisions se prennent en haut par les élus sans que la population ait un mot à dire, si ce n’est de voter périodiquement.

Un règlement durable de la question nationale exige donc que la souveraineté politique se conjugue avec la souveraineté populaire, non seulement lors du référendum qui clôturera le processus, mais pendant toute la démarche qui y mènera. On doit également comprendre que le débat sur l’avenir du Québec n’appartient à aucun parti politique en exclusivité, pas plus qu’à un groupe de la société civile en particulier, ni même au gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Il appartient à l’ensemble du peuple québécois. Ce genre d’approche rassemble de plus en plus de partisans, si l’on se fie aux discussions auxquelles a donné lieu l’assemblée tenue en février à Montréal dans le cadre des États généraux sur la souveraineté.

Ces points de vue opposés mettent en relief la différence fondamentale entre les deux stratégies préconisées pour permettre au Québec d’accéder à la souveraineté.

Cette position repose sur le postulat que nos compatriotes ne veulent pas être endoctrinés par des apôtres propagateurs de « l’évangile souverainiste ». Ils ressentent plutôt le besoin d’être informés de la manière la plus complète possible, de se saisir des enjeux, de comparer les différents points de vue, d’en discuter entre eux, de se faire leur propre opinion et d’exprimer ce qu’ils désirent au plus profond d’eux-mêmes. Adopter ce genre de démarche signifie notamment que le contenu de la question référendaire ne relèverait pas de l’Assemblée nationale, mais d’une Assemblée constituante à la suite de la vaste consultation qu’elle aurait menée dans la première étape de son mandat.

Cet exercice innovateur découlerait du principe sur lequel a toujours reposé notre système démocratique, dans lequel le seul pouvoir légitime vient du peuple. S’inspirant de la démocratie participative, il tiendrait compte de la diversité des expressions de la souveraineté populaire.

L’Assemblée constituante : le moteur de la démarche

De façon concrète, l’Assemblée nationale adopterait une loi définissant le mandat, la composition et la démarche d’une Assemblée constituante. Cette dernière aurait pour mandat d’élaborer une ou des propositions sur le statut politique du Québec, sur les valeurs, les droits et les principes sur lesquels devra reposer la vie commune. Elle définira ses institutions et déterminera ses institutions, les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur seraient délégués. Les membres de l’Assemblée constituante, composée d’un nombre égal d’hommes et de femmes, seraient choisis au suffrage universel. Le mode de scrutin assurerait la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socio-économiques de la société québécoise.

L’Assemblée constituante se verrait octroyer les ressources nécessaires pour mener une vaste consultation auprès de la population. En fonction des résultats, l’Assemblée élaborerait un projet de constitution dont l’approbation serait soumise à un référendum. Il s’agirait en somme d’effectuer une vaste opération de démocratie participative donnant lieu à une consultation populaire qui se déploierait simultanément à la grandeur du Québec, en passant par les régions, les villes et les villages.

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