
Anaïs Fournier est une conteuse originaire de la Gaspésie qui a migré vers Saguenay pour refaire le monde à sa façon, une histoire à la fois. Rencontre avec une femme qui a aussi sa propre histoire.
Marc Simard ◾ Comment devient-on conteuse ?
Annfou ◾ J’ai grandi sur le bord du fleuve à Métis-sur-Mer et à Mont-Joli. J’ai fleuri avec mes sœurs, mes cousins et mes cousines l’été à faire des barrages, à nous baigner dans l’eau salée et à revenir avec du sable collé partout sur nous. Je suis native de la Gaspésie jusque dans mon ADN. Ça m’a profilé un regard au loin, un horizon de futur. Ça m’a soufflé un respir profond qui se dit vague. Alors je conte des contes de l’avenir proche, des histoires jaseuses de ce qui s’en vient bientôt !
Et il y a eu la rencontre avec un artiste si précieux comme de l’or que l’on tisse. On s’est vu avec nos lunettes. Il m’a chatouillé la parole assez pour qu’une première histoire arrive : P’tite goutte la douce. Depuis, une dizaine d’années ont passé et une douzaine d’histoires se sont mises en bouche et déposées dans les oreilles. J’en fais les bruitages et les fonds sonores.
Marc Simard ◾ Quelles sont vos inspirations, les thèmes qui vous motivent ?
Annfou ◾ Mon répertoire se façonne en créant des histoires qui arriveront prochainement. Ma démarche part de l’actualité, du bagage de conteurs et de recherches historiques, pour ensuite trouver des solutions, des façons de faire autres et inventives. C’est pour ça que je conte, pour faire pousser de la beauté dans les cœurs. Je suis de plus en plus persuadée que c’est par l’imaginaire que le levier du changement se trouve. Comment les gens ont inventé la montre ? Comment partir de l’idée que l’humain peut voler ?
Le principe est de faire jaillir le concept du possible, de déposer des images de construction et de solution dans l’esprit. On voit souvent des films de fin du monde où tout est détruit et explose dans des gouffres immondes. Depuis des années, le visuel du bien et du mal est capté par notre boîte crânienne. Cette idée existe bel et bien ; cependant, je me dis qu’on est à l’époque de choisir ce que l’on veut créer dans notre quotidien et l’imaginaire passe par là. Ça motive, ça donne l’élan. Et ça donne l’espoir surtout. L’espoir toujours. Parce que quand tu imagines, tu finis par avoir des pensées et des actions qui te font mâcher une pomme plutôt que de la gomme. Tu pognes une bêche et tu arranges ton potager. Bing bang.
Michel Chartrand le disait lui-même : « L’humain est fondamentalement fait pour être heureux. » C’est le temps de mettre ça en pratique à toutes les secondes !
Marc Simard ◾ Quels sont vos projets ?
Annfou ◾ Tout d’abord c’est de continuer ! Aller de l’avant toujours, comme Marc Favreau aimait à dire. Ensuite et entre autres, c’est de publier et d’illustrer mes histoires. J’aimerais contribuer à l’essor du conte au Québec en y amenant les voilures du fleuve. C’est aussi de pédaler avec l’espoir, le regard au loin comme une géante ! Des projets, j’en ai à l’infini !