Champ libre

La filière argentine et l’Amérique

Par Michel Labrie le 2013/09
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Champ libre

La filière argentine et l’Amérique

Par Michel Labrie le 2013/09

Les Éditions de la Pastèque à Montréal accordent une place importante aux Québécois tout en ayant le souci d’enrichir leur catalogue d’albums d’auteurs étrangers. Parmi eux, des Argentins. Après Liniers et Pablo Holmberg, Federico Pazos joint les rangs de cet éditeur avec La cité des ponts obsolètes, un album fort curieux. Du côté des Québécois, on remarquera Réal Godbout et son nouvel album L’Amérique ou le disparu.

L’Argentine a une tradition et une culture BD qui remontent au XVIIIe siècle.Paradoxalement, c’est sous le totalitarisme argentin des années 1970 que l’historieta (la BD est ainsi appelée là-bas) s’est avérée un des moyens d’expression les moins contrôlés. Elle constituait même le moyen par excellence pour contester et caricaturer le climat politique effervescent de ces années d’oppression.

Dès les années 1980, avec l’avènement de la démocratie, des modèles inédits de narration se sont développés avec de nouvelles générations de scénaristes. Liniers et Holmberg sont représentatifs de la BD argentine actuelle, qui est audacieuse et originale. Ces auteurs ont un humour axé sur le « nonsense ». Pazos œuvre plutôt dans un registre soumis à la gravité, au dramatique et à l’étrange.

Dans La cité des ponts obsolètes, Paco veut travailler dans une boulangerie située à Astromburgo. Dans le métro, il fait la rencontre d’un vieux monsieur qui lui raconte des histoires et lui fait part de ses problèmes. À Astromburgo, le boulanger est absent et, dans l’attente de son retour, Paco va flâner sur la plage où il est emporté par une vague qui le plonge dans des aventures des plus insolites. Il se perdra en forêt et sera complètement dérouté par la suite des événements. Paco va croiser des personnages étranges : un homme-orchestre, un vieux pêcheur et même ce roi capricieux d’Astromburgo qui parle en rimes et qui l’accuse de lui avoir volé sa couronne. Le parcours de Paco est donc jalonné d’imprévus et de surprises pour aboutir au délire, comme s’il n’y avait pas d’autres raisons à ce périple que de l’installer dans un cauchemar offrant bien des similitudes avec l’univers de Kafka caractérisé par le déracinement, l’enfermement et l’absurdité. L’album en bichromie est divisé en sept chapitres bien distincts par la couleur et la diversité des situations inextricables dans lesquelles est plongé le personnage. Le dessin beau, attachant et rythmé nous préserve du décrochage.

Le dessinateur du personnage Red Ketchup, Réal Godbout, pilier de la BD québécoise, a adapté en bande dessinée le premier roman de Franz Kafka, L’Amérique ou le disparu. L’album est vivant, drôle et absurde. Karl Rossmann, un jeune Pragois, est forcé de s’exiler en Amérique pour éviter un scandale famillial. L’adolescent, plein de bonne volonté et d’initiatives, tentera de se tailler une place dans ce nouveau monde à la fois amical, hostile et insaisissable. Il sera confronté à des individus sans scrupules et accusé injustement de tous les maux. La BD est présentée en noir et blanc.

L’incipit montre Karl à son arrivée à New York, fort impressionné par la dimension de la statue de la Liberté qui brandit un glaive plutôt qu’une torche. Cette image illustre bien le décalage que présente une Amérique tiraillée, où la liberté baigne dans une réalité difficile et violente.

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