De Rimouski…
De ce salon rimouskois, nous retiendrons la haute fréquentation, la plus grande qui n’ait jamais été enregistrée, 17 468 personnes venues humer l’air du large.
Le large était effectivement au rendez-vous avec une table ronde sur la littérature et la culture innues autour de Naomi Fontaine et Dominique Rankin, une autre sur la biographie autour de Pierre Nepveu et Sergine Desjardins, une autre encore sur les maisons d’édition émergentes, comme Alto, Perro éditeur ou Coups de tête. Le Salon du livre faisait comme toujours la part belle à la bande dessinée et aux bédéistes de la région et d’ailleurs. Michel Labrie recevait Jean-Sébastien Bérubé, VoRo, Jacques Lamontagne, François Miville-Deschênes et Djief dans une table ronde portant sur le sens de l’Histoire dans la BD actuelle.
Le Salon mettait à l’honneur les initiatives individuelles et collectives pour qu’il y ait plus de sens, de solidarité et de beauté dans le monde, pour que la rencontre devienne possible au-delà des différences de langue, de culture, d’identité ou d’histoire.
Le spectacle Les bruits du monde réunissait les écrivains et les proches de Mémoire d’encrier, une maison d’édition dédiée au partage et au dialogue entre les cultures. Cette soirée de lecture rassemblant des écrivains innus, québécois, haïtiens et français nous a offert de la poésie venue de loin, du souffle et c’est l’âme du monde qui est venue chuchoter et parfois crier à notre oreille. Tambours amérindiens, chants de gorge, Mahigan Lepage, drôle à pleurer, Michel Vézina, en feu, prononçant les mots de Jacques Roumain « eh bien voilà ; nous autres les nègres les niggers les sales nègres nous n’acceptons plus c’est simple fini d’être en Afrique en Amérique vos nègres vos niggers vos sales nègres », Joséphine Bacon, meurtrie par l’histoire de son peuple mais debout et digne dans sa parole, Manon Nolin, une jeune poétesse à la parole brute comme un diamant qui n’a pas eu le temps encore d’être façonné. Quand la parole singulière rejoint l’universel, quand elle refuse les apparences et consent à plonger dans l’ombre et dans l’âme humaine, alors elle touche au sacré. Elle devient aussi un acte politique, tout à la fois d’engagement et de révolte.
Le Salon de Rimouski aura été tissé de rencontres et d’instants précieux, d’air du large et de saveurs d’ici, un métissage entre le Nord et le Sud, qui ouvre l’imaginaire et nous fait rencontrer nos parts manquantes au contact de l’autre.
…à Montréal
Humer l’odeur des livres, les toucher, les ouvrir au hasard et lire une phrase échappée.
Un parfum. Un bouquet. Une surprise.
Des rencontres impromptues avec les auteurs, avec les éditeurs, avec tous ces passionnés rassemblés dans une grande fête, où l’on célèbre le plaisir de semer les mots aux quatre coins du monde.
Parfums de la vieille Europe chez Gallimard, le Seuil.
Les valeurs sûres québécoises Léméac et Boréal, comme deux piliers, avec leurs photos d’écrivains en noir et blanc.
Atypique la Bagnole et ses livres de poésie pour les enfants.
Notes de fraîcheur guerrière pour les stands Écosociété.
Délicatesse acidulée pour les poétiques L’Oie de Cravan, Poètes de Brousse, le Noroît, L’instant même…
Métissage culturel avec Mémoire d’encrier et ses écrivains à la peau dorée qui viennent du bout du monde.
Coups de tête avec son directeur qui refuse de s’asseoir pendant quatre jours et attend les lecteurs de pied ferme, pour ne pas avoir l’air d’une grosse patate assise dans son fauteuil.
Les écrivains sont là, au rendez-vous de leurs lecteurs, offrant leur présence totale par séquence de trois minutes.
Au même moment, les Mémés déchaînées avec leurs chapeaux fleuris passent à Radio-Ville Marie et chantent sur l’air de Frou-Frou « Debout, debout, réveillons notre flamme/Debout, debout, laissons parler notre âme ».
Et dehors, dans le square Victoria, la rumeur des livres devient rumeur du peuple. Les écrivains se joignent aux indignés et font retentir leurs voix pour ceux qui n’en ont pas.