Il est mort il y a 15 ans. Il est le seul poète de l’histoire du Québec à avoir eu droit à des funérailles nationales. On a redécouvert sa poésie récemment à travers les chansons de Douze hommes rapaillés et on la redécouvre encore avec plaisir dans la biographie La vie d’un homme, écrite par Pierre Nepveu. Et ce qui fascine dans cette biographie de Gaston Miron, c’est de découvrir tout le chemin parcouru par le poète national pour arriver enfin à « ce qui commence ».
Avant d’être poète, Miron fut d’abord le petit fils d’un analphabète, un enfant de la classe moyenne de Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, puis le frère Adrien au collège Mont Sacré-Cœur de Granby. Il fut aussi un écrivain médiocre, ce que démontre, preuves à l’appui, le livre de Nepveu.
Ce n’est qu’au bout d’un travail acharné que Miron réussit à faire résonner la langue comme le poète La Tour du Pin, dont les vers ont marqué l’imagination de Miron : « Tous les pays qui n’ont pas de légende/ Sont condamnés à mourir de froid ». Toute sa vie, Miron s’échinera à valoriser l’identité du Québec, à forger sa « légende » jusqu’à ce que sa littérature ne soit plus désignée comme canadienne-française, mais comme québécoise.
Toutefois, dans sa quête d’une identité québécoise, Miron délaisse trop souvent l’écriture : ses amis poètes et éditeurs devront s’armer de patience à chaque fois pour parvenir à publier ne serait-ce que quelques lignes du poète. Miron est perfectionniste et surtout, il appréhende l’idée de se commettre en écriture et de ne plus pouvoir revenir en arrière. C’est ainsi que le magnifique poème La Marche à l’amour aura nécessité près de 10 ans d’écriture. Et au lieu de chanter l’amour d’une seule femme, comme on pourrait le croire, au moins six amoureuses ont inspiré Miron pour ce poème !
Miron, c’est aussi une personnalité publique qui défend la poésie bec et ongles, qui débarque à l’improviste chez des personnalités aussi reconnues qu’André Breton, le maître du surréalisme, qui fait sa lessive chez Claude Jutra et qui déjeune régulièrement avec Denise Boucher… Ce n’est pas par hasard que l’histoire du Québec s’est écrite en même temps que celle du poète : les Éditions de l’Hexagone, la revue Parti pris et les Nuits de la poésie dans lesquelles Miron s’est impliqué de très près ont contribué grandement au renouvellement des idées et au débat souverainiste au Québec.
Cette biographie de Miron écrite par Pierre Nepveu nous fait découvrir le personnage derrière L’homme rapaillé, elle nous fait revivre l’histoire du Québec à travers les yeux du poète, mais elle donne surtout envie de faire et de refaire encore ce « voyage abracadabrant » qui mène de l’oeuvre à l’homme et de l’homme à l’oeuvre.