Champ libre

Parce que personne ne devrait mourir seul

Par Laurence Marois le 2011/03
Champ libre

Parce que personne ne devrait mourir seul

Par Laurence Marois le 2011/03

Parfois, les choses se posent les unes aux côtés des autres de manière à ce que l’on ne puisse passer son chemin sans le souligner. La semaine pour la prévention du suicide vient à peine de se terminer, et au même moment j’apprends le décès de ma voisine qui, comme moi et beaucoup d’autres, vivait seule. Dans son dernier ouvrage intitulé Je ne veux pas mourir seul, Gil Courtemanche a su mettre en récit cette volonté de partager sans doute l’un des plus grands moments de la vie.

L’auteur et l’homme se confondent dans cette autofiction qui nous raconte l’histoire de deux morts, celle d’un amour, puis celle annoncée par la maladie. Au cours de la même semaine, un homme reçoit un courriel de sa femme qui lui annonce qu’elle le quitte et apprend qu’il est atteint d’un cancer. Tout au long de ce récit, les réflexions sur la vie et la mort s’entremêlent pour porter un regard sans pudeur sur la solitude. Gil Courtemanche trace le parcours difficile de la maladie jusqu’à la rémission en écrivant pour l’amour d’une vie, pour la première et la dernière femme, un merveilleux hommage à cet amour trop tôt disparu. À travers les difficultés de la maladie, l’auteur cherche à tâtons une manière de survivre tant bien que mal à cette vie sans sons, sans images.

Comme il l’écrit, la mort n’est pas un événement unique puisque « [o]n meurt tellement souvent durant le cours d’une vie ». Ainsi, ce n’est pas tellement l’annonce de la maladie qui permet à la mort de s’infiltrer insidieusement. C’est plutôt la fin de cet amour qui est sa seule et unique mort, son décès avant la dernière heure. Et que reste-t-il après cet échec amoureux ? Le deuil de la vie que l’on voudrait et que l’on ne pourra jamais avoir, et puis les gens qui nous aiment, ceux qui ne veulent pas nous voir partir. Ce seront eux qui feront naître le doux mensonge d’un nouvel amour pour continuer le parcours de la rémission sans cette solitude permanente. À la toute fin du récit, la fiction prend le pas sur la réalité et devient le fil qui retient l’homme à la vie : « Je connais maintenant tout de l’amour et je ne veux pas mourir seul. Inventer la vie pour ne pas mourir. Je suis condamné à la fiction. Je vais donner un amour inventé. »

Avec ce récit, l’auteur regarde et raconte la mort en face. Il est rare de trouver un texte sans pudeur, ce qui laisse parfois le lecteur démuni devant la douleur, le désespoir et le mal de vivre de cet homme qui, sans fin, se replie sur lui-même. Vivre malgré tout parce que nous sommes tous seuls devant la mort et que cette solitude effraie.

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