Les gaz de schiste sont aujourd’hui le symbole d’un affrontement tectonique entre deux visions de l’avenir, entre deux conceptions opposées de l’économie, de l’utilisation des ressources, du politique et du bien commun : celle des énergies sales, contre celle des énergies propres.
Le 8 février dernier à Québec, l’Assemblée nationale accueillait une pétition réclamant un moratoire sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. Tandis que les représentants de Québec solidaire et du Parti québécois remettaient chacun une partie des quelque 129 000 signatures recueillies à l’initiative de Marie-Hélène Parant « Non au pétrole et au gaz au Québec », le premier ministre Jean Charest feignait la plus totale indifférence.
Gaz de schiste, carburant à la mobilisation
L’exploration des gaz de schiste au Québec se trouve au confluent des maux associés aux énergies fossiles : un mépris des citoyens que l’on dépouille de leurs droits les plus fondamentaux à gérer leur territoire, l’appropriation du bien commun aux mains d’une élite usant de manœuvres clandestines et de délits d’initiés, et des technologies défaillantes avec fuites incontrôlées, contaminations prévisibles de l’eau, du sol et de l’air.
La Loi des mines permet d’empiéter sur tous les terrains et de saisir le sous-sol de ses ressources, sans égard aux habitants, aux propriétaires, ni même aux municipalités.
La recherche sur les ressources en hydrocarbures a d’abord été menée aux frais des contribuables. Une fois les gisements trouvés, les secteurs prometteurs ont alors été soldés en secret aux amis du pouvoir, à 0,10 $ l’hectare, contre 1 000 $ l’hectare ailleurs dans le monde.
Au Québec, 19 des 31 puits d’exploration pour les gaz de schiste montrent des fuites. Imaginez les dommages associés à des milliers de puits couvrant la vallée du Saint-Laurent, s’étendant ensuite vers l’est jusqu’à Gaspé…
Nous sommes engagés dans une course à la catastrophe climatique et écologique. La filière des hydrocarbures, comme celle du nucléaire, appartient à une époque révolue où l’on ignorait l’impact néfaste des polluants sur les générations futures. Qui pourra prétendre dans vingt ans que nous ne connaissions pas les dangers des énergies fossiles?
Le Bas-Saint-Laurent n’est pas épargné par la menace des gaz de schiste. La ressource existe ici comme ailleurs le long du Saint-Laurent, si ce n’est qu’à des profondeurs variables.
Un moment fondateur
À Québec, le 8 février, plusieurs groupes invités ont d’abord ventilé leur indignation. Mais l’objectif commun est bientôt apparu : pourquoi ne pas unir nos forces, des Îles-de-la-Madeleine jusqu’à l’ouest du Québec, pour faire entrer le Québec de plain-pied dans le XXIe siècle, dans l’ère de l’efficacité énergétique et des énergies propres? Plusieurs de ces groupes ont depuis convenu d’organiser à l’échelle du Québec un vaste mouvement citoyen, autour d’une même volonté collective de nous éloigner de l’uranium, comme du pétrole et du gaz, qu’ils soient classiques ou de schiste, en milieu terrestre ou marin.
Le véhicule choisi : la campagne pour le Moratoire d’une génération.
Moratoire d’une génération
Le Québec vit actuellement une des plus grandes mobilisations citoyennes de son histoire. De quoi sera fait l’avenir? De nucléaire et de mines d’uranium, de pétrole et de gaz qu’ils soient traditionnels ou de schiste, de forages en milieux marins comme terrestres… ou notre avenir sera-t-il plutôt dans l’efficacité énergétique, l’isolation des bâtiments, les éoliennes communautaires, la géothermie subventionnée, l’énergie solaire et la récupération du méthane à partir des déchets?
Un combat est engagé entre les énergies du passé et celles de l’avenir. Entre les fossiles et les vivants. Le XXIe siècle nous invite à choisir notre camp. La campagne pour le Moratoire d’une génération vous propose cet engagement vivant.
Philippe Duhamel est coordonnateur de la campagne pour le Moratoire d’une génération.