Champ libre

Yvon Rivard, la présence d’un auteur

Par Laurence Marois le 2010/12
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Yvon Rivard, la présence d’un auteur

Par Laurence Marois le 2010/12

Bien que les salons du livre soient parfois devenus de grandes foires de l’achat, le cœur, l’esprit et l’essence même de ces grands happenings du bouquin demeurent l’auteur, l’écrivain, l’essayiste, l’illustrateur, le bédéiste, et pour qui les foules se disciplinent pour un instant en file indienne dans le but de rencontrer ceux qui ont su, par leur travail, attiser l’imaginaire des lecteurs. La rencontre avec le créateur est parfois magique, parfois décevante, mais toujours elle laisse un souvenir indéfectible. Pour le lecteur, un lien privilégié avec l’auteur se construit au fil de la lecture, et c’est avant tout ce contact unique qu’il recherche auprès de l’écrivain.

Yvon Rivard, écrivain québécois remarquable, réussit ce tour de force d’incarner dans ses différents essais à la fois l’écrivain et le lecteur, entretenant un dialogue incessant entre sa pensée et celle des auteurs qu’il a côtoyés au cours de ses lectures. Professeur retraité du Département de langue et littérature française de l’Université McGill, il est riche d’un œuvre où romans, essais et scénarios se rencontrent autour de la figure de l’auteur. De Virginia Woolf à Hector de Saint-Denys Garneau, Yvon Rivard s’attarde, dans son essai intitulé Personne n’est une île, sur l’artiste, l’écrivain en tant qu’homme puisqu’« [il] est comme chacun de nous un être vivant voué à la mort1 ».

Son dernier essai publié en 2010 poursuit dans la même voie en considérant que la démarche d’écriture est un acte d’engagement auprès de toute une société. Une idée simple empruntée à Hermann Broch voulant que « le premier devoir de l’intellectuel, dans l’exercice de son métier, [est] de porter assistance à autrui2 ». Finaliste pour le prix Spirale Eva-Le-Grand 2009-2010, cet essai marque le passage d’un temps qui ne passe pas, celui des désirs, des souffrances et des espoirs qui demeurent toujours sans faillir. Avec l’idée simple que l’art de la pensée a le pouvoir de rendre douce notre condition, Yvon Rivard explore l’âme humaine dans son parcours inexorable entre la vie et la mort. Une pensée dense qui se nourrit de la parole de grands auteurs et qui nous laisse seuls, portés par la volonté de percevoir autrement notre temps qui passe et ne passe pas.

Christian Desmeules, collaborateur du Devoir, disait de sa rencontre avec Yvon Rivard que « [q]uelques heures en [sa] compagnie, c’est participer à un feu d’artifice tranquille de souvenirs, de livres et de films, de questions et d’apartés. De fils qu’on lance, qu’on rattrape et qu’on démêle. L’homme a le regard aiguisé, l’esprit insatiable et le verbe généreux3 ». Je n’ai pas su trouver de mots plus justes pour traduire l’enthousiasme et l’effervescence qu’ont fait naître chez moi les deux conférences de l’auteur auxquelles j’ai eu la chance d’assister. À l’oral ou à l’écrit, chaque prise de parole d’Yvon Rivard est une réflexion, un engagement sincère qui prend tout son sens au cœur d’une culture, d’une société.

Précieuses sont les rencontres qui permettent l’éclosion d’une pensée. Tout au long de sa carrière universitaire, Yvon Rivard a été pour plusieurs étudiants cette présence qui a su les guider sur le parcours de leur propre réflexion. Plusieurs écrivains de talent sont passés par le chemin de ce que l’on pourrait appeler « l’École Yvon Rivard4 » tels que Dominique Fortier, Nadine Bismuth et Julie Mazzieri. Aujourd’hui, c’est au tour des étudiants et des étudiantes de l’UQAR de profiter de la présence du maître. Invité comme auteur en résidence pour inaugurer le nouveau baccalauréat en Lettres et création littéraire offert à l’UQAR, Yvon Rivard saura certainement s’engager, encore une fois, au-delà du texte, au-delà de l’œuvre au cœur d’une communauté. L’auteur et l’homme se rencontrent ainsi pour laisser place à une pensée, celle de l’artiste. Soyez donc vigilants, puisque vous aurez sans doute l’opportunité de profiter de cette présence d’auteur lors d’événements culturels dont je flaire l’odeur sans pouvoir confirmer quel vent l’a portée jusqu’à moi.

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Notes :

1. Yvon Rivard, Personne n’est une île, Montréal, Boréal, coll. Papiers collés, 2006.

2. Yvon Rivard, Une idée simple, Montréal, Boréal, coll. Papiers collés, 2010.

3. Christian Desmeules, « Entretien – Yvon Rivard et le temps retrouvé de l’enfance », Le Devoir, 11 juin 2005.

4. Julie Fortier, « Lettres modernes », McGill News, 2010.

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