Lorsque 10 000 femmes et quelques centaines d’hommes se mettent en marche, l’espoir résonne sous leurs pieds. Ce que nous apporte la Marche mondiale des femmes comme citoyennes et citoyens, au-delà des débats que peuvent susciter le choix des thèmes, c’est le sens de la solidarité et la force de continuer la lutte quotidienne contre les injustices et l’iniquité.
Sur notre planète mondialisée, notre bien-être matériel dépend du travail, et trop souvent de l’exploitation d’êtres humains ailleurs dans le monde. Nous sommes liés à ces femmes, à ces hommes, à ces enfants. En ce sens, la lutte des femmes, qu’elles soient africaines, asiatiques ou autochtones, est aussi la nôtre. Dans ce contexte, les thèmes de paix, d’arrêt de la violence, d’autonomie économique et de biens communs de la Marche mondiale des femmes ont un sens universel. Les femmes sont les premières victimes des guerres, leur corps y devient prise de guerre, moyen d’affaiblir l’ennemi ou de l’humilier. Chaque jour dans le monde, des milliers de femmes subissent de la violence et la négation de leurs droits les plus fondamentaux.
Les spectacles présentés la veille du rassemblement de clôture de la Marche mondiale des femmes, à la salle Georges-Beaulieu de Rimouski, témoignaient de façon très éloquente du fait qu’ici aussi, au Québec, en 2010, les femmes ont encore bien des raisons de se regrouper pour défendre leurs droits. Les textes crus de Stéphanie Pelletier, étudiante en littérature à l’UQAR, sur la pornographie décrivaient une réalité révoltante et pourtant bien présente. Les groupes de femmes de la Montérégie et de la Beauce dénonçaient par des chansons et avec humour l’hyper sexualisation, l’utilisation du corps des femmes dans la publicité, la pauvreté et la violence dont les femmes et leurs enfants sont encore les premières victimes. En effet, entre 1995 et 2000 au Québec, 95 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint (Ministère de la sécurité publique, 2000). Chaque année, plus de 100 000 femmes sont victimes de violence physique dans un contexte conjugal (Institut de la statistique, 2002). La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLÉS), qui supporte les femmes victimes des réseaux de prostitution, dénonçait la banalisation de la prostitution et le manque d’intervention gouvernementale dans un spectacle où résonnait la fierté d’être libre et de laisser entendre sa voix.
La pièce Debout sur la terre, présentée par le Théâtre des Cuisines, qui œuvre au Bas-Saint-Laurent depuis 1990, évoquait la force des femmes d’une manière sensible et touchante. Neuf femmes en mouvement, une création collective qui s’élabore dans l’instant et forme un ensemble signifiant et d’une grande cohérence. Les gestes étaient appuyés par des extraits de textes dont la portée se poursuivait au-delà des mots : « Je suis debout sur la terre/ Avec mon corps qui, pareil à une plante / Pour vivre/ Aspire le vent, le soleil et l’eau/ Je suis debout sur la terre/ Pour que les étoiles me vénèrent/ Pour que les brises me caressent. » (Forough Farrokhzad, Iran).
Le lendemain, debout parmi la foule, les Grandes marcheuses, ces marionnettes géantes réalisées par des groupes de femmes de toutes les régions, témoins et témoignages de la force de résilience de celles qui se tiennent debout.
Tambours amérindiens, batucada, marionnettes, performeuses en blanc. Qu’aurait été la marche sans eux ? Jusqu’à quel point le spectacle touchant de la veille a-t’il donné un sens plus profond à cette marche ? Quel est la place de l’art et des artistes dans les changements sociaux, à grande ou à petite échelle ? Certains artistes utilisent le théâtre et la performance comme outil de conscientisation (Théâtre Parminou, Théâtre des Petites Lanternes). D’autres se servent de l’art pour aider les gens à retrouver leur dignité, leur joie de vivre (La CLÉS, le Théâtre des cuisines, le Théâtre UTIL). L’art a un pouvoir rassembleur. Il crée des symboles. Exercer son pouvoir de créer, c’est se donner les moyens de transformer le monde.
Le 5 et 6 novembre prochain à la Coopérative Paradis, Moments précieux d’humanité, une rencontre sur les pratiques d’art en communauté, sera une occasion d’échanger sur le sujet. Pour Véronique O’Leary, fondatrice du Théâtre des cuisines, « l’art par et dans la communauté est un service essentiel ». Elle parle d’une pratique où « l’artiste se lie profondément à la communauté, et il y a co-création : cette communauté qui crée son expression selon SON point de vue sur le monde, est alors à la source de quelque chose de nouveau ». Il y sera également question d’art relationnel, au sens d’un art qui s’intéresse tout d’abord à l’espace commun qui se crée dans la rencontre avec l’autre « de personne à personne, d’être à être » (Chantal Pontbriand). La rencontre est ouverte à toutes et tous et les inscriptions se font sur le site de Paraloeil.