Culture

Moulin Robert Lagacé ou 
Moulin du Petit-Sault

Par Julien Gagnon le 2010/07
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Culture

Moulin Robert Lagacé ou 
Moulin du Petit-Sault

Par Julien Gagnon le 2010/07

Le moulin du Petit-Sault est situé à environ six kilomètres à l’est de l’église de L’Isle-Verte, juste à côté du ruisseau du Petit Sault. Ce moulin fut classé monument historique par le ministère des Affaires culturelles le 17 janvier 1962, sous le nom de Moulin Robert Lagacé. Inoccupé depuis 1959, le moulin se détériore rapidement. La pluie, la neige et le vandalisme endommagent la vieille structure. Des octrois sont donnés au propriétaire pour exécuter des aménagements à l’intérieur du moulin, mais ceux-ci ne respectent pas  les intentions de la Commission des monuments historiques du Québec. Les subventions cessent donc…

Le 7 décembre 1971, le moulin est vendu à une dame de Pierrefonds. Dès lors, il s’achemine vers la ruine. Entre l971 et 1997, aucune réparation ne vient rajeunir son apparence. Les fenêtres sont aujourd’hui disparues et les portes, maintes fois placardées, sont défoncées par des curieux. À l’intérieur, le spectacle désole : planchers défoncés, murs dangereusement lézardés et toit partiellement éventré. Il est même hasardeux d’y pénétrer.

Entre 1972 et 1976, le Ministère aurait pu intervenir auprès de la propriétaire en lui demandant si elle désirait investir pour restaurer sa propriété. De plus, le Ministère aurait pu l’informer qu’il est possible d’obtenir une aide technique et financière couvrant jusqu’à 40 % des frais encourus. À cette époque, le moulin pouvait encore être restauré à un coût moindre qu’en 2010. Toutes les réparations effectuées de 1983 à ce jour en sont d’urgence et de consolidation, comme celles faites sur des bâtiments considérés comme une ruine par le Ministère.

Entre le 10 mars 1977 et le 11 janvier 2007, environ quatorze lettres ont été envoyées à la propriétaire par le Ministère afin de connaître ses intentions quant à la restauration de sa propriété. Le 7 octobre 1996, le Ministère invoque pour la première fois l’article 30 sur les biens culturels, l’informant qu’il lui appartient de réaliser les travaux requis afin de préserver ce monument historique classé en bon état. À l’automne 1996, la propriétaire annonce qu’elle veut vendre sa propriété. Le Ministère répond qu’il n’a pas l’intention de se prévaloir de son droit de préemption (article 22) lui permettant d’acquérir le bien de préférence à tout autre acheteur.

Trois lettres écrites par le Ministère, dont deux à l’interne, nous laissent entrevoir la politique appliquée à ce dossier. En voici des extraits :

Rimouski, le 30 mars 1977 : « Un avis verbal que nous avons demandé conclut que ce moulin devrait être conservé en tant que ruines, ce qui signifie à toute fin pratique peu d’investissements. […] Une restauration coûterait une fortune et il nous semble qu’il y a d’autres interventions plus urgentes à réaliser dans la région par le Ministère. »

Rimouski, le 23 janvier 1978 : « Cependant je tiens à vous souligner leur attachement pour ce bien culturel qu’ils voient dépérir depuis 1962 sans aucune intervention de la part de notre Ministère. »

Rimouski, le 27 octobre 1977, dans une lettre adressée à la Société de sauvegarde du patrimoine du Grand-Portage Inc. : « […] Il nous est apparu que d’intervenir, même de façon minime, sur le Moulin Lagacé, risquait de créer une situation où il faudrait à tout prix y investir de façon massive. Comme nous ne sommes pas certains que c’est sur celui-là qu’il faut investir et que le tout pourrait se faire au détriment de d’autres moulins existants, nous avons préféré mettre le projet en veilleuse. »

Depuis 2001, la Corporation de développement économique et touristique de L’Isle-Verte et le service culturel et patrimonial de la MRC de Rivière-du-Loup essaient en vain de convaincre la propriétaire du moulin du Petit-Sault de vendre. Malgré de nombreuses offres, celle-ci refuse toujours de se départir ou d’entretenir sa propriété.

Une suite logique pour qu’à tout le moins le souvenir de ce vestige soit conservé pour les générations futures, c’est que le terrain soit mis en évidence, donc entretenu (ex. : pelouse, bancs, aire de repos, etc.) et qu’une plaque commémorative y soit apposée. Si la propriétaire actuelle est d’accord pour le faire à ses frais, tant mieux ; cependant, nous en doutons.

La municipalité de L’Isle-Verte pourrait se porter acquéreur du terrain ou, si le prix demandé est exorbitant, l’obtenir par expropriation. Une autre avenue serait que le MCCCF l’achète et qu’il conclue une entente avec la municipalité ou la MRC de Rivière-du-Loup pour sa mise en valeur et son entretien, moyennant une compensation financière. Cela n’est toutefois pas acquis si la pression locale n’est pas suffisante.

L’auteur est membre de l’association Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ) qui existe depuis 30 ans. La mission de l’organisme consiste en la sauvegarde du patrimoine architectural ancien québécois.

Références :

Réal Dumas, Le moulin seigneurial des Dumas à la rivière du Petit-Sault de l’Isle-Verte, Éditions l’écho de Montréal, 1997

Régis Jean, Un moulin faisant farine, Musée d’archéologie de l’Est du Québec et ministère des Affaires culturelles, 1978

Copie du dossier obtenu du MCCCF en février dernier

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