Culture

Mais où sont donc les neiges d’antan?(1)

Par Christine Portelance le 2010/03
Image
Culture

Mais où sont donc les neiges d’antan?(1)

Par Christine Portelance le 2010/03

Lijiang est l’endroit le plus couru du Yunnan. Nichée à 2400 m d’altitude, cette ville connaît un printemps qui s’étire sur plus de la moitié de l’année et l’été n’y est jamais torride. Les Naxi, descendants des tribus qiang d’origine tibétaine, habitent la région depuis plus de 1000 ans.

De la vieille ville, un lacis de ruelles, de ponts, de canaux, avec des puits toujours en fonction, –reconnue comme patrimoine mondial par l’UNESCO depuis 1997– se dégage un charme indéniable. Cependant, lorsqu’elle est prise d’assaut par les touristes chinois, elle souffre de congestion piétonnière ; aussi, les guides suggèrent de la visiter entre 5 h et 8 h du matin !

Nous avons le bonheur d’être logées dans une maison centenaire avec une cour carrée ornée de jolis pavés naxi, dans la partie sud de la vieille ville, plus tranquille. La saison touristique n’étant pas commencée, l’hôtel est presque vide et le patron nous invite à sa table dans la cour. Il fait les courses au marché, cuisine pour ses invités et ses deux employés avec un plaisir évident2. Amateur de thé pu’er3, il nous sert dans les règles de l’art un cru de sa réserve. Comme je lui exprime mon désir de ramener ici de ce thé délicieux, il m’offre de me conduire à la boutique d’un ami4. Accueillis à bras ouverts, nous dégustons tasse sur tasse en écoutant Eric Clapton. Jamais je ne crois avoir bu autant de thé de toute mon existence. Me voilà dorénavant totalement convertie au pu’er. Et depuis mon retour, je n’ai cessé de faire des adeptes.

J’adore les marchés et celui de Lijiang ne manque pas de charme avec ces femmes qui s’affairent, toutes de bleu vêtues, portant coiffes et tabliers, leur panier au dos. Certaines font frire de fines tranches de pomme de terre dont elles remplissent des mannes. Ces montagnes de chips se mangent nature ou assaisonnées au piment. Comment ne pas succomber !

Excursion à la campagne. L’étudiante chinoise qui m’accompagne et me sert gentiment d’interprète brûle de voir le mont yulong xue shan (mont enneigé du dragon de jade), une image de carte postale que tous les Chinois connaissent. Ce mont culmine à 5596 m et il forme l’une des rives des gorges du Saut du tigre dans laquelle coule le fleuve Yangzi. Une fois sur place, se découpant dans l’azur d’un ciel clair, il offre à notre œil étonné un pic de roc nu ! Derrière, on voit d’autres sommets qui présentent des plaques de neige. Notre chauffeure explique qu’il y avait beaucoup plus de neige éternelle… il y a dix ans !

Arrêt dans un charmant village naxi dont toutes les habitations sont en pierre. On entend des ruisseaux souriants débouler de la montagne et l’eau courir dans de petits canaux dont un garni d’une vieille roue à aubes. Et des oiseaux. Seules touristes à s’y promener, la balade est agréable, mais les habitants sont carrément hostiles. Il faut les comprendre. Leur village fait partie d’un parc et, en saison, le flot de touristes doit être continu. L’enfer quoi ! Nous n’insistons pas.

Après le repas du midi, direction Musée Dongba. Les Naxi , traditionnellement matrilinéaires, ont une langue et une écriture différentes du chinois. Leur écriture est faite de pictogrammes évoquant des hiéroglyphes égyptiens ; utilisée par les chamans pour transcrire des textes religieux, elle attire toujours la curiosité de spécialistes. Le culte Dongba est un mélange de religion bön et de bouddhisme.

Je m’attendais à un simple bâtiment, j’ai l’agréable surprise de constater que le musée est un aménagement en plein air. Double surprise. Dans la prairie, des totems : certains avec des ailes rappelant les totems amérindiens, d’autres, des personnages sculptés sur des troncs évoquent… Sainte-Flavie!

La montée est douce jusqu’au mur d’enceinte. Recouvert de pictogrammes colorés, il offre une fente incurvée par laquelle on pénètre dans la zone des dieux. De l’autre côté, un abri sous roche réservé aux prières des chamans, un tigre peint sur la porte. Nous continuons à monter, les crêtes de montagnes en toile de fond. Tout en haut, un immense Bouddha encadré de deux créatures ailées à pattes griffues, trompes relevées : des Chimères brandissant le glaive.

En redescendant, une dernière surprise, un dernier panonceau : « Regardez bien autour de vous. Les montagnes, les arbres, les plantes, toute cette beauté est bonne pour votre santé ! »

À quand une telle pancarte au Parc du Bic ?

Notes :

1. Ballade des dames du temps jadis de François Villon.
2. Nous apprendrons plus tard qu’il est tailleur de jade de son métier, l’hôtel appartient à sa soeur qu’il remplace pendant un congé de maternité.
3. La boutique appartient en fait à la tante du jeune homme.
4. Un thé fermenté qui se bonifie avec le temps et dont certains « crus » se gardent aussi longtemps que les vins de garde.

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Terra Ventures : Le premier combat des Sept-Îliens

Voir l'article suivant

Le fameux « de » (V)