Dans Mon enfance et autres tragédies politiques, recueil de ses chroniques politiques les plus impitoyables contre les turpitudes des potentats et de ses textes les plus émouvants, révélateurs de son ardente individualité, Hélène Pedneault écrit, page 258 :
Dans la généalogie de l’indignation, la colère est la branche volcanique. C’est elle qui monte en premier aux barricades comme une tête brûlée qu’elle est, aveuglément, sur un coup de sang, une montée de fièvre, sans penser à protéger sa peau, et qui allume les incendies que l’indignation reprend à son compte. L’indignation organise la colère, oriente son feu, le documente, jette les cris inutiles aux vidanges, et donne du souffle seulement aux colères qui sont facteurs de changement. La colère peut être stérilisante; l’indignation, féconde. La colère est une sprinteuse; l’indignation est une marathonienne. La colère a la durée de vie d’une allumette; l’indignation, celle d’une flamme olympique. Je pourrais vous en parler longtemps. Je pratique les deux depuis le liquide amniotique et peut-être même avant.
Le 1er décembre 2009, il y avait déjà un an que, sous leurs nombreuses formes, les expressions d’indignation d’Hélène Pedneault nous manquent. Nous manquent plus que jamais, en cette période de dégradation accélérée de notre société, de sabordement scandaleux des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles qui ont contribué, au cours des dernières décennies, à l’émancipation et à l’affirmation de notre existence nationale dans tous les domaines de l’activité sociale de même qu’à l’établissement d’une plus grande égalité des rapports entre les hommes et les femmes.
Plus tristement encore, nous manque déjà et plus que jamais l’humour corrosif de ses propos, capables de renverser notre vision du monde dans un éclat de rire. Nous manquent déjà et plus que jamais sa prodigieuse imagination dans l’invention de moyens d’action propres à éveiller les consciences et son incomparable puissance de mobilisation des forces militantes de notre peuple pour la promotion de la justice et de la liberté.
Hélène Pedneault personnifiait le don de soi autant dans sa pensée que dans son action et c’est dans cette inconditionnelle générosité qu’elle puisait son énergie.
Tout autant que dans ses propres convictions, c’est dans sa profonde adhésion aux rêves, aux projets et aux objectifs des combats menés sur tous les fronts par les Québécois et les Québécoises engagés, qu’elle trouvait les mots de son franc-parler, les justes cibles de ses tirs, le courage de ses engagements, la source de ses espoirs.
Tout autant que dans ses propres œuvres, elle savait exprimer ses idées, ses sentiments et ses émotions à travers la présentation et la valorisation des œuvres des grandes créatrices qui étaient ses amies, les Françoise Loranger, Pauline Julien, Anne Sylvestre, Clémence Desrochers, pour ne nommer que celles-ci.
Convaincue du pouvoir de la parole et de l’art, elle savait mettre à contribution les écrivains et les artistes de toutes les disciplines dans les spectacles qu’elle a conçus et mis en scène en faveur des idéaux indépendantiste et féministe. Spectacles uniques où l’humour le disputait à l’amour, spectacles inimitables où la culture québécoise se manifestait dans la richesse de ses multiples formes. Spectacles inoubliables pour celles et ceux qui ont eu la chance de les voir. À imaginer pour les autres, à l’aide des souvenirs que ses passages à la radio et à la télévision ont laissé de sa remarquable créativité, également à l’aide de la lecture et relecture de ses œuvres, tout l’esprit d’Hélène Pedneault s’y trouvant.
Comme je l’écrivais, dans un texte-hommage, le jour de sa mort : « (…) cette femme était toute entière dans son amour. Comment dire autrement qu’elle guerroyait uniquement pour, jamais contre, même quand elle fustigeait les malveillants, leur bassesse et leur violence ».
Je peux en témoigner, ayant connu l’inestimable bonheur d’une amitié partagée avec elle. Je peux témoigner non seulement de sa vaste intelligence des rapports sociaux de domination et d’exploitation et de sa farouche détermination à les combattre, mais aussi de son immense capacité d’aimer et de son infaillible fidélité à elle-même et aux autres.
Hélène Pedneault, une grande Québécoise, inséparablement femme de paroles et femme d’actions, indépendantiste et féministe, journaliste et écrivaine, dont on n’a pas fini de découvrir l’œuvre, encore moins d’en engranger les retombées.
Hélène Pedneault, une femme libre qui a lutté pour notre liberté.