Actualité

Mythes et réalités de la formation professionnelle au secondaire

Par Frédéric Deschenaux le 2009/01
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Mythes et réalités de la formation professionnelle au secondaire

Par Frédéric Deschenaux le 2009/01

Au Québec, la formation professionnelle (FP) au secondaire existe depuis 1868 (mais plus formellement depuis 1928, qui l’eût cru!), et elle a presque toujours fait l’objet d’une image négative. Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) a investi de grosses sommes ces dernières années pour faire en sorte de « revaloriser » cette filière scolaire. Or, comment revaloriser quelque chose qui n’a presque jamais été valorisé? Cet article vise à faire le point sur la formation professionnelle au secondaire en revisitant certains mythes plutôt tenaces à la lumière des travaux de recherche menés sur le sujet.

Mythe no 1 : la FP est destinée aux élèves à problèmes

Ce premier mythe est profondément ancré dans les perceptions des gens à propos de la FP. Deux études menées par le MELS à dix ans d’intervalle n’ont fait que confirmer cette image négative. Dans l’étude de 1995, des élèves et leurs parents ont été interrogés. Les parents rêvent presque tous de l’université pour leur progéniture et leurs enfants mentionnent que la FP ne concerne que les élèves en difficulté d’apprentissage, les élèves dits « manuels » ou les personnes qui veulent en finir rapidement avec l’école. En revanche, le collégial technique a meilleure presse, les jeunes y voyant un lieu d’actualisation intéressant à la fine pointe de la technologie. À très peu de choses près, l’étude de 2005 montre les mêmes constats…

En 2007, il est possible d’étudier en FP dans l’un des 300 programmes répartis en 21 secteurs d’activités. S’il est vrai que plusieurs métiers qui s’y enseignent plairont aux plus manuels, d’autres secteurs requièrent des habiletés qui ne sont pas à la portée du premier venu. À titre d’exemple, le métier de machiniste qui s’exerçait auparavant en salopettes, les deux mains dans l’huile, se pratique désormais devant un ordinateur, vêtu d’un sarrau blanc, la tête bien remplie de concepts de physique et de mathématiques!

Mythe no 2 : la FP n’est destinée qu’aux jeunes

La publicité que l’on voit dans les journaux ou à la télévision et le fait que la FP s’enseigne au niveau secondaire peuvent laisser croire que cette formation n’est destinée qu’aux jeunes. Or, l’étude de l’effectif étudiant montre que les jeunes de moins de 20 ans constituent la minorité. Les élèves adultes, âgés de 20 ans et plus, y sont légion! La FP accueille autant des élèves qui ont fait un détour par l’éducation des adultes après un décrochage scolaire que des personnes en réorientation de carrière à la suite d’un accident de travail, d’une perte d’emploi ou de toute autre raison.

Mythe no 3 : la FP est une voie de garage sur le marché de l’emploi1

Le troisième mythe concerne les emplois décrochés par les titulaires d’un diplôme de la FP. Considérant le mythe no 1, les gens pourraient penser que les emplois ne constituent pas le Klondike! Or, l’examen des enquêtes Relances du MELS (un an après l’obtention du diplôme), entre 1975 et 2003, montre une certaine amélioration de la situation des diplômés de la formation professionnelle depuis 1985. Le taux de placement augmente, le taux de personnes à la recherche d’un emploi diminue, le taux de poursuite aux études est en diminution, ce qui montre que les finissants se trouvent du travail à la suite de leur diplôme. La rémunération est également en hausse, les diplômés de la FP étant les seuls à voir leurs salaires résister à l’inflation. En effet, pour les diplômés du collégial technique et de l’université, on assiste à une dégradation de la rémunération sur la même période. Donc, la FP est loin d’être une voie de garage sur le marché de l’emploi!

Mythe no 4 : Mon plombier gagne plus qu’un diplômé universitaire

Afin de ne pas me faire taxer de favoritisme (!), ce dernier mythe est moins positif pour la FP. En effet, malgré l’image négative de la FP, il y a toujours quelqu’un pour mentionner que les études universitaires ne sont pas si payantes, que son plombier gagne plus que lui! Or, en moyenne, les chiffres invalident cette assertion. Pour les détenteurs d’un baccalauréat, la rémunération hebdomadaire moyenne en dollars constants de 2004 est de 769 $, pour le collégial technique, le salaire moyen se situe à 560 $, alors qu’il est à 550 $ pour la FP. Notons toutefois ici la presque parité entre les techniciens et la FP sur le plan salarial.

Ces quatre mythes montrent que la côte semble longue à remonter pour que cette filière gagne en crédibilité et en estime.

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Notes:

1. Je souhaite remercier Magalie Morel et Lise Parent, assistantes de recherche à l’UQAR, pour le précieux travail de compilation de données ayant conduit à la rédaction de cet article.

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