Actualité

Nouvel An et printemps éclatant!

Par Christine Portelance le 2008/03
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Nouvel An et printemps éclatant!

Par Christine Portelance le 2008/03

Le Nouvel An du calendrier lunaire chinois correspond à la Fête du Printemps, la fête du peuple la plus célébrée, tandis que le Nouvel An du calendrier solaire (le nôtre) est la fête du gouvernement, m’a-t-on dit. Cette année, le premier janvier lunaire tombe un 7 février solaire. Tous les Chinois semblent capables de suivre les deux calendriers simultanément.

Fête du monde paysan, on célèbre le printemps qui s’en vient et les récoltes à venir. Aux portes et aux fenêtres, riches comme pauvres, on suspend des papiers découpés écarlates qui portent plus ou moins le même message : accueillons le printemps et recueillons le bonheur et la prospérité! Les familles se réunissent pour des célébrations qui s’étendent sur plusieurs jours.

Nous sommes allés à la campagne dans le district de Tianjin. Le matin du réveillon éclatent sporadiquement des pétards, mais ce ne sont encore que des signes avant-coureurs. On prépare les jiaozi (raviolis) que l’on mangera à minuit et les plats du repas du soir. Dès mon arrivée dans la maison familiale, une petite fille de quatre ans me regarde fixement avec beaucoup d’intensité : je suis probablement la première étrangère qu’elle voit de si près. Il aura suffi que nous préparions ensemble la table du repas pour créer un lien. D’autorité, elle s’assoit par la suite à mes côtés et, en bonne hôtesse, elle dépose des bouchées dans mon assiette. Sur la table : des crabes d’eau douce, des crevettes, un poisson qui goûte la truite, des œufs de cent ans, du canard, du bœuf, de la viande d’âne, des plats de légumes et j’en passe. On se serre autour de la petite table où les plats se superposent. Je donne un coup de main à ma voisine : manger un crabe avec des baguettes, ce n’est pas facile quand on a quatre ans! Les adultes sont quelque peu étonnés du comportement de la petite à mon égard, je leur explique que nous sommes devenues pengyou (amies). En réalité, c’est un coup de foudre mutuel.

Elle quitte la table avant la fin du repas; elle revient, habillée de pied en cap, doudoune et tuque de laine roses. Elle tient à me rassurer : elle sera de retour très rapidement. Elle revient avec sa sœur, toutes deux chargées de sucreries, dont des brochettes de fruits au sucre candi. Alors que les adultes continuent à m’offrir les meilleurs morceaux, Chun Jing, elle, tient à me faire goûter à toutes ses friandises. Un grand privilège, ai-je compris. Ensuite, lorsque la famille s’installera devant le téléviseur pour le grand spectacle de 4 heures et demie (humoristes, chansons populaires, rap, danseurs et acrobates, etc.), Chun Jing n’hésitera qu’un instant avant de s’installer sur mes genoux. C’est elle qui viendra me tirer par la main quand il s’agira d’aller dehors pour le concert de pétards juste avant minuit. Un concert? Non, une tempête de déflagrations! Pendant une heure, dans tout le quartier (toute la Chine?), ce n’est que feux d’artifice, longues, très longues guirlandes de pétards à mèche et fortes détonations. Un tintamarre destiné à l’origine à faire fuir les mauvais esprits. L’air se remplit de fumée, je suffoque et me réfugie dans la cour intérieure; la petite me suit pour rester avec moi. Puis, le bruit devient vraiment infernal et je me mets à l’abri dans la maison. Chun Jing, magnanime, ne m’en tiendra pas rigueur. Elle assistera au spectacle jusqu’à la fin.

Le lendemain, aux premières lueurs, les pétarades reprennent, éparses. Encore barbouillés de sommeil, nous prenons le petit déjeuner avant la tournée. D’abord chez le père, puis on fait le tour de ce quartier aux rues étroites bordées de maisons traditionnelles dont la porte donne sur une cour intérieure, en foulant des monceaux de débris de papiers rouges de la veille. On visite sœurs, frères, cousins, amis de la famille, on n’oublie pas les anciens. Quelquefois l’intérieur est modeste, d’autres fois, plus aisé. Guo nian hao! Bonne année ! Partout, on nous fait entrer, on nous offre le thé, des cigarettes, des bonbons, des fruits et des noix de toutes sortes. Lorsque l’on découvre l’étrangère, on s’empresse autour de moi. Les vieilles dames, surtout, elles me prennent par le bras : zuo, zuo!1 Elles déposent des friandises dans mes mains. Que de sourires! Et moi qui n’arrête pas de dire Xiexie! Xiexie nin!2

Mes amis chinois m’expliquent que le quartier sera démoli pour faire place à des rues plus larges et à des immeubles en hauteur. « Mais où vont aller tous ces gens? » m’exclamé-je. « On ne sait pas encore », répondent-ils. Un ange, triste, passe… C’était donc la dernière tournée, en quelque sorte.

Pour plusieurs des anciens que l’on a visités, leur maison est construite là où jadis étaient les champs à cultiver lorsqu’ils faisaient partie d’une brigade de production. Mais la ville a rejoint la campagne et un certain mode de vie est en voie de disparition. Les familles à enfant unique ont remplacé les familles nombreuses et le mode de vie s’urbanise.

Il n’y a pas si longtemps, au Québec, les familles étaient nombreuses, les célébrations du Jour de l’An duraient jusqu’aux Rois et on se visitait de maison en maison.

Je garde dans mon cœur le sourire de Chun Jing et j’aime y voir la Chine de demain.

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Notes:

1. Assoyez-vous, assoyez-vous!

2. Merci! Merci à vous!

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