
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
On entend souvent parler de transport actif, qui cible principalement le vélo. En effet, ce mode de transport nécessite l’établissement d’infrastructures. Et le fait de devoir allouer des ressources pour ce mode de transport vient masquer un autre mode de transport qui ne nécessite rien : la marche.
Par exemple, Tourisme Bas-Saint-Laurent souhaite positionner la région comme destination incontournable pour le vélo. Il y a toujours cette idée de mettre en avant des activités qui nécessitent l’utilisation d’un instrument technique pour aller au-delà des capacités des corps. La marche est certainement un mode de déplacement qui demande peu de consommation pour être pratiqué, surtout dans les milieux urbains. Mais aussi, cette dernière conserve l’idée d’une temporalité à la mesure du corps; alors que le vélo continue à véhiculer l’idée d’une vitesse qui dépasse celle du corps.
On est alors en droit de se demander si le vélo, qui est certes un mode de transport décarboné, devrait véritablement être plébiscité, au point de masquer la marche pour circuler dans les milieux urbanisés.
Un petit peu d’histoire
Avant les véhicules motorisés, la marche était hégémonique dans les déplacements urbains. Les véhicules et montures étaient surtout allouées au transport de marchandises.
À partir du 16e siècle, la bourgeoisie adopte deux « modes italiennes ». L’une qui consiste à utiliser un carrosse pour se déplacer en ville, et l’autre qui consiste à pratiquer la promenade dans un espace privé, le jardin entre autres. Tout cela pour plus de sécurité et confort (Monnet, 2022).
C’est au cours du 19e siècle qu’un trottoir a été installé pour la circulation piétonne, mais aussi pour tirer les réseaux techniques (eau, énergie, communication) et l’installation du mobilier urbain. La conception de la circulation piétonne, encore aujourd’hui adoptée, a surtout été organisée autour de la sécurité, au détriment de la commodité (Monnet, 2022).
La marche en espace urbain
Dans ce contexte, la marche a alors trois fonctions cantonnées à trois types d’infrastructures : « les trottoirs pour circuler, les espaces verts pour respirer, les centres historiques ou commerciaux pour consommer » (Monnet, 2022). En dehors du contexte urbain équipé de ces infrastructures, la marche est perçue comme inefficace et indésirable en raison des distances, des coupures urbaines et de l’insécurité routière (Monnet, 2022).
Alors que maintenant, la marche est perçue par plusieurs acteurs comme une ressource générale qui permet d’affronter les défis urbains, comme la santé publique, la crise climatique ou l’inclusion sociale.
En effet, l’étalement urbain et les déplacements en véhicules motorisés sont reconnus comme étant de forts contributeurs à la crise écologique (gaz à effet de serre, îlot de chaleur urbain, imperméabilisation des sols). Favoriser la marche est alors une action qui lutte contre la crise écologique.
En termes de santé publique, diminuer la place des véhicules individuels permet de limiter les accidents mortels ou graves liés à la vitesse, les nuisances sonores et les contaminants dangereux pour les voies respiratoires (Monnet, 2022).
Pour l’inclusion sociale, la marche favorise l’autonomie dans la circulation, car cette dernière peut se faire sans avoir un accès à un véhicule.
En conséquence, favoriser des infrastructures qui incluent la commodité, tout en enlevant la priorité aux véhicules devient un geste qui favorise l’émergence d’un espace urbain plus sain. « La solution passe aussi par une reconfiguration des territoires et de la répartition des services pour aboutir à une « ville du quart d’heure », où l’accessibilité doit être d’abord piétonne » (Zembri, 2022).
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Monnet, Jérôme. « La place de la marche en ville : l’infrastructure pédestre », Transports urbains, vol. 143, no. 3, 2022, pp. 4-11.
Zembri, Pierre. « Pour en finir avec la vitesse : plaidoyer pour la vie en proximité. Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann et Sylvie Landriève, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2021, 152 p. », Transports urbains, vol. 143, no. 3, 2022, pp. 34-35.