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Les animaux d’élevage, source de pollution importante

Par Mathieu Perchat le 2023/09
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Les animaux d’élevage, source de pollution importante

Par Mathieu Perchat le 2023/09

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

Selon le rapport de 2019 du Portrait d’ensemble du Bas-Saint-Laurent et de son industrie bioalimentaire, la production animalière domine les activités d’exploitation agricole. Dans le secteur agricole, près de trois entreprises sur cinq sont spécialisées dans cette production, ce qui représente une génération de près de 75% des revenus agricoles au Bas-Saint-Laurent (2019, p. 7).

La majorité des secteurs dans la production animale a connu une croissance de revenus, plus particulièrement le secteur de la volaille, avec une augmentation de 197% (2019, p. 7). Ou encore, le secteur de production laitière présente le revenu principal de 34% des entreprises de la région, soit 643 entreprises (2019, p. 12). Sur les 643 entreprises, seules 35 sont certifiées biologiques, générant environ 5 % des recettes totales de la production laitière régionale (2019, p. 12).

L’ensemble de ces productions est structuré selon le modèle de la production d’élevage industriel. Néanmoins, de petits projets indépendants visant un marché de proximité offrent des produits distincts en choisissant des races ou encore un mode d’élevage qui sort du modèle industriel (2019, p. 13).

Seulement, ce mode de production plus respectueux du bien-être animal demande une plus grande superficie, ou moins de bêtes pour une même surface.

Sur ces considérations, cet article a pour but de questionner la nécessité de devoir produire autant de produits animaux avec une telle productivité en connaissant l’impact environnemental et la souffrance occasionnée.

Qui était éleveur ou éleveuse ? Qu’est-ce que c’était l’élevage finalement ?

L’élevage, c’est avant tout dix mille ans d’histoire avec les animaux grâce à la domestication et au travail commun. Alors que la production animale représente cent cinquante ans d’exploitation des animaux de ferme (Porcher, 2021, p. 251).

Le tournant entre le travail commun et l’exploitation industrielle s’est produit au milieu du 19em siècle, avec l’émergence du capitalisme industriel. L’agriculture devient alors une affaire technique, se transformant en une zootechnie. Elle se compose d’agronomes, de vétérinaires et de notables. Dans ce même tournant, la perception de la nature change, devenant plus qu’un réservoir de ressources et de profits potentiels.

Sous cette perception, la manière d’élever des paysans était perçue comme peu rentable et peu optimisée. En effet, ces derniers construisaient un véritable rapport avec leurs animaux. Pour moderniser et optimiser la profession, le cadre théorique de l’exploitation industrielle (la zootechnie) définissait l’animal comme « machine animale » et le travail comme « production animale » (Porcher, 2021, p. 251).

Ainsi, avant la modernité, il y aurait un élevage archaïque, puis grâce à la technologie, l’élevage moderne, rationnel et industriel le supplanta. Il apparait comme sa forme évoluée, donc nécessaire et inévitable. On n’arrête pas le progrès.

Élevage et industrie

En réalité, employer le terme d’élevage industriel, c’est produire un oxymore[1]. Soit il s’agit d’élevage, soit d’industrie, mais une pratique ne peut pas regrouper les deux. Pour la simple raison que la pensée qui motive les deux est bien différente.

Pour l’élevage, c’est un rapport à l’animal qui se construit par le travail. Le travail est alors porté par une rationalité relationnelle, mais aussi morale, esthétique et bien entendu économique (Porcher, 2021, p. 253).

La rationalité relationnelle désigne le fait de vivre avec les animaux, et d’avoir fait ce choix, d’où l’aspect moral. La rationalité économique ne vient qu’en dernier lieu. « Autrement dit, on ne choisit pas d’être éleveur pour gagner de l’argent mais pour vivre avec les animaux. Et c’est parce que l’on tire un revenu de notre relation qu’il est possible de la pérenniser » (Porcher, 2021, p. 253).

Alors que l’industrie des zootechniciens désigne une rationalisation économique de la production de produits animaux, dont le but premier est la rentabilité économique. Elle se sert de l’idéologie scientifique pour dévaluer la pratique de l’élevage, et accuser les paysans de faire preuve d’ignorance.

Or, l’idéologie qui porte le monde paysan se construit par les valeurs liées au travail avec l’animal et la nature, marquée par une sensibilité à leur bien-être et au partage du travail. « Les zootechniciens sont imperméables à cette perception sensible, affective, corporelle, du travail avec les animaux » (Porcher, 2021, p. 254).

Par exemple, les zootechniciens ont cherché à réduire les temps jugés improductifs dans le travail d’élevage afin d’optimiser le rendement. Or, ce temps jugé improductif permettait de construire une relation avec les animaux : « C’est le temps de l’observation, de la relation, de l’intériorisation des modes d’être des animaux » (Porcher, 2021, p. 254).

Pourquoi et pour quoi toute cette production ?

Grâce à l’industrialisation de l’élevage, la consommation de viandes a pu augmenter significativement. Mais cette augmentation n’avait pas pour objectif de nourrir la population. Ces productions avaient pour but uniquement l’augmentation des capitaux par la vente, l’exportation et la rentabilité des investissements. Ainsi, l’objectif est que le produit soit acheté, et non pas forcément consommé (Porcher, 2021, p. 255).

Par exemple, dans le secteur laitier, les producteurs étaient grandement incités à toujours produire, et les zootechniciens leur disaient : « produisez, produisez, vous trouverez toujours à vendre ». Et aux consommateurices, un argumentaire orienté santé les poussait à consommer toujours plus de lait et manger de la viande (Porcher, 2021, p. 255).

Cette demande de produit animal est alors construite de toute pièce pour développer ces secteurs et accroitre les profits. C’est là l’objectif de l’augmentation de la production de produits animaux : le profit.

Sources

https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/agriculture-pecheries-alimentation/agriculture/industrie-agricole/regions/bas-saint-laurent/ED_portrait_BSL_MAPAQ.pdf

Jocelyne Porcher, « Nous prenons aux animaux sans plus rien leur rendre », réalisé par Marion Bet, Emma Carenini, Germinal, vol. 2, no. 1, 2021, pp. 248-256.


[1] Expression composée de deux termes qui s’opposent (ex : une ombre blanche).

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