
La démocratie, c’est déjà fini. La population rimouskoise a été promptement consulté, alors on s’essuie et on remballe.
Le pouvoir a gentiment offert à la plèbe deux cases horaires de deux heures pour parler des enjeux sociaux de Rimouski pour les 8 prochaines années. Le 4 novembre au soir et le 5 novembre au matin, les badauds motivés pouvaient aller jouer à la démocratie pendant 2 heures. Ensuite? Cause toujours.
« Imaginons le Rimouski du futur, maintenant », que le maire et ses deux firmes-conseils engagées pour l’occasion nous disaient. Deux heures pour imaginer le futur. Deux heures pour régler la question du logement, du transport et de la mobilité, de la protection de l’environnement, du développement social et économique, des services municipaux et de la participation citoyenne.
Un hochet démocratique
Une consultation en ligne, quelques boîtes à commentaires et un forum où les citoyens et citoyennes jasent pendant deux heures autour d’une table, voilà le summum de la démocratie pour nos élu.e.s municipaux. C’est comme ça que la Ville règle la planification des priorités pour les huit prochaines années.
Évidemment, on nous consulte, mais on ne délibère pas. La différence? Si je te consulte, je t’écoute, mais j’ai le dernier mot. Si je délibère avec toi, on doit arriver à un consensus, il y a échange, il y a un processus décisionnel où les deux parties demeurent actives dans les prises de décisions.
Malgré tout, j’ai joué au bon citoyen modèle, j’ai rempli le formulaire en ligne et j’ai participé à la consultation. Pis après? C’est ça. Dans le sens, c’est tout. That’s it, le gros.
Les équipes marketing des deux firmes de consultants engagées par la Ville rassembleront le tout, livreront les idées citoyennes à un comité de pilotage constitué de trois citoyen.e.s et de trois conseillers municipaux. Pis, après? On attend. On espère. On prie le ciel pour que les élu.e.s municipaux de droite mettent en place quelques petites suggestions citoyennes. Ils vont maquiller le visage battu de Rimouski pour camoufler ses ecchymoses. Le reste des idées et propositions vertes les plus audacieuses seront sans doute tablettées à côté d’une plante.
Ce qu’en pensent les participant.e.s
J’ai écrit à trois personnes qui ont participé aux ateliers consultatifs pour leur demander leur opinion.
Alice Charbonneau, étudiante à la maîtrise en développement régional à l’UQAR, m’avoue avoir été très déçu : « Je suis restée sur ma faim, j’ai trouvé ça pas mal plate, pas le temps de vraiment discuter en profondeur. »
Ivan Pecl, étudiant à la maîtrise en biologie à l’UQAR, commente ainsi le processus : « Ma plus grosse déception de l’ensemble de la consultation : il n’y a presque eu aucune place pour un débat d’idées contradictoires, où des personnes aux avis différents auraient pu échanger, comprendre les points de vue des autres et s’éduquer ensemble pour trouver des solutions aux problèmes. Les idées qui fusaient sur les post-its à notre disposition lors de l’atelier étaient les mêmes que celles amenées par des citoyens au conseil de ville depuis des années. Seront-elles à nouveau mises sous silence car une «majorité silencieuse» refuse ces changements? »
Jeani Boudreault, étudiant en travail social à l’UQAR, va lui aussi dans le même sens : « On était plusieurs à se présenter avec une grande méfiance à l’égard de la ville quant à l’intégrité de l’exercice. Je n’ai absolument pas douter du sérieux de l’organisme qui nous a accompagné, en même temps que leur mandat de « consultation » semblait d’office devoir s’articuler autour des prérogatives que s’accordait la ville sur LEUR vision 2030 (ex.: pousser encore l’idée du stationnement à étage). Ensuite, il est important de dénoncer le fait que l’exercice était beaucoup trop précipité : suite à la présentation de la démarche, on était garoché en groupe pour la lecture des différents enjeux (on a dû couper court et laisser tomber la majorité des informations), pour ensuite devoir retourner commenter tous ces enjeux, en moins d’une demi-heure, complètement étourdis par la quantité d’informations à traiter et à rendre. Enfin, la consultation au travers de ce projet, c’est très propre. Tout est en surface. »
Qui se souvient de Cap sur Rimouski 2020?
Ce n’est pas la première fois que les élu.e.s de la Ville organisent une consultation citoyenne. Déjà, y’a eu Rimouski 2006 — Savoir naviguer ensemble, et quelques années pus tard, la consultation Cap sur Rimouski 2020[1] qu’avait mise en chantier l’ancien maire Éric Forest, maintenant sénateur libéral. Cette dernière consultation citoyenne, amorcée en 2011 et terminée en novembre 2012, a accouché de belles paroles et de promesses creuses aucunement respectées. Surprise!
Par exemple, à la page 13 du document Chantier Rimouski 2020 qui résume la consultation de 2012, on peut lire : « Notre Vision.La Ville sera innovante, elle encouragera l’expression de notre culture et la participation citoyenne. Rimouski sera un modèle d’entraide entre les personnes, elle privilégiera le respect de la nature et la conservation du patrimoine. Le territoire rimouskois sera aménagé et développé de façon durable et intégrée tout en valorisant ses milieux naturels, ruraux et urbains. »
Absolument rien de tout ceci n’a été respecté. Participation citoyenne? Mis à part voter aux 4 ans, très peu. Modèle d’entraide? Nos étudiant.e.s ont plus que jamais recours aux banques alimentaires dans une ville où la crise du logement est la pire au Québec. Conservation du patrimoine? Les bâtiments sont laissés à l’abandon en attendant d’être démolis.[2] Territoire aménagé et développé de façon durable? C’est toujours le modèle du développement des banlieues américaines qui prévaut, avec l’étalement urbain, les tours à condo, le culte de l’auto solo et les quartiers résidentiels de pelouses vertes autour de la Cité des achats sans école! Développement durable? Parlez-en aux résidents de Rimouski-Est confrontés à l’impérialisme de la pétrolière Suncor ; les maires qui se sont succédés depuis ont agi comme des lobbyistes pour défendre la riche multinationale au détriment de la Santé publique.
Parlant de promesse trahie, n’oublions pas qu’en novembre 2018, la ville de Rimouski a adopté, devant plus d’une centaine de citoyen.nes, une résolution qui s’inspire de la Déclaration citoyenne d’urgence climatique.[3] Quatre ans plus tard, l’urgence demeure et la ville n’agit toujours pas.
Lire le document du Chantier Rimouski 2020,c’est constater l’échec de la vision de la ville et les tartufferies des conseillers municipaux qui se sont succédé; c’est admirer à quel point les élu.e.s nous mentent depuis longtemps; c’est assister au déclin d’une ville gérée par une mentalité de Chambre de commerce.
Dix ans plus tard, le maire Guy Caron nous sort la même cassette en avouant que « c’est plus une vision », cette consultation. L’histoire se répète. Le conseil municipal fera ce que bon lui semble. La population est exclue de la suite.
Imaginer le Rimouski du futur, ça ne ce fait pas en seulement deux heures une fois au dix ans.
[1] https://rimouski.ca/storage/app/media/ville/decouvrir/publications-et-plan-daction/plans-daction/plan_strategique_de_developpement_durable.pdf
[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1925655/patrimoine-bati-edifice-historique-patrimonial-rimouski
[3] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1136943/rimouski-declaration-urgence-climatique-ges-changements-lutte-environnement