
Texte collectif de Charlotte Huard, Vinciane Cousin, Jeanne-Marie Rugira et Marie Nicolas.
Plurielles, c’est un territoire qui laisse place aux savoirs féministes, ceux de l’intime comme du social, du politique comme du poétique. Nous y dévoilons sans honte ni crainte ces histoires qui traversent nos corps, nos rêves et nos intuitions. Tout part de là.
Il faudra d’abord oser. Oser parler et s’en parler. Il nous faudra du temps. Beaucoup de temps pour dire ce qui ne se dit jamais. Un espace pour déposer ce qu’on ne lit nulle part, pour s’incarner. Pour faire chair de nos ombres et de nos grâces. Il faudra tenter de rallumer les désirs au fond des ventres. Nous rappeler leur sagesse. Leur nécessité. Il nous faudra du feu. Des phrases pour des flammes, des phrases en flammes. Il faudra cracher nos rages. Célébrer nos joies. Habiter nos tremblements. Il faudra écrire comme l’on se vit. Surtout ne rien cacher. Retranscrire l’absurde, ne laisser aucune chance à la violence. Faire le choix de vivre, le dérober à l’Histoire. Il faudra s’enrager assez pour faire trembler. Pour faire peau neuve. Il faudra écrire ces histoires qui font tant de bruit dans le silence. Une promesse ultime de (re)construction, de liberté et de discernement. Arriver à mettre en mots les marges.
Il faudra donner une place à tous·tes. Nous désirer plus que tout. Nous inviter au déséquilibre, aimer nos bouleversements. Se faire brebis bleue au milieu des moutons noirs. Exister par effraction. Il faudra bien sûr un peu de folie. De la magie aussi. Il nous faudra sortir des cadres. Créer du neuf. Ouvrir des brèches. Il faudra avoir de l’audace. Assez d’audace pour se prendre au sérieux et ne pas trop le faire non plus. Il faudra y croire. Croire en nos mots. Croire que nos paroles sont nécessaires pour les restituer – un travail souverain de nous envers nous et de nous envers vous. Apprendre à croire en nous. À nous espérer. Il nous faudra tendre des mots comme l’on tend des mains. Nos histoires tressées en archipel d’il, d’elle et d’iel. Il faudra écrire pour nous relever tous·tes. Il faudra écrire pour nous tenir ensemble, uniques et différent·e·s. Écrire des mots grands comme nos rêves. Le faire pour nos enfants après nous. Il faudra chacune de nos voix pour préserver la beauté et nos écritures plurielles, pour sauver nos dignités.
Nous aurons besoin de nous pour bâtir une écologie des savoirs, et cultiver ensemble une terre d’hospitalité. Un berceau pour naître et co-naître ensemble, fort·e·s de nos voix singulières. Il y aura dès lors une telle cohérence, voire une telle lucidité, qu’il nous sera impossible de ne pas chavirer « tous·tes ensemble et chacun·e en particulier » vers l’insoupçonné. Les digues des modèles dominants qui tentaient de nous contenir éclateront enfin – l’horizon se dépliera délicatement sous nos yeux.