
Le 6 juin dernier, alors que les attentes du milieu étaient grandes, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), Andrée Laforest, et la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, ont dévoilé uniquement la vision stratégique de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT). Plusieurs organisations dénoncent l’absence d’un plan d’action. Deux élus du Bas-Saint-Laurent ont aussi cosigné une lettre ouverte qui suggère des moyens à mettre en œuvre rapidement.
Une importante démarche de consultation a été menée en vue de réaliser la PNAAT et la vision stratégique qui en émerge fait ainsi généralement consensus auprès des organisations telles que l’Union des municipalités du Québec (UMQ) ou la Fédération québécoise des municipalités (FQM). Les propositions sont très englobantes : des milieux de vie de qualité qui répondent aux besoins de la population ; un aménagement qui préserve et met en valeur les milieux naturels et le territoire agricole ; des communautés dynamiques et authentiques partout au Québec.
Tout est dans le comment
Le bémol que soulève le président de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), Sylvain Gariépy, c’est que la vision ne s’accompagne pas d’un plan d’action engageant et concret. « Malgré l’avancée que représente cette politique, le document dévoilé aujourd’hui contient peu d’engagements concrets, aucun budget, ni même une feuille de route détaillée. Il est donc difficile d’affirmer que cette annonce représente le changement de paradigme tant espéré et dont le Québec a besoin ».
Il faudra attendre le plan de mise en œuvre pour concrétiser la vision stratégique à l’hiver 2023, c’est-à-dire après la prochaine élection.
Nature Québec et le Réseau de milieux naturels protégés (RMN) s’interroge ainsi sur la réelle volonté du gouvernement de se doter de stratégies concrètes pour subjuguer les pratiques menant à la perte des milieux naturels et des terres agricoles de proximité en l’absence d’objectifs clairs, de plan d’action ou d’une feuille de route, en particulier pour les régions habitées. Cela met en relief l’inaction du gouvernement à court terme, car « iI faut plus qu’une vision pour freiner la destruction alarmante des milieux naturels ».
Absence des enjeux de finances et de fiscalité municipale
Le bilan des consultations menées dans le cadre de la PNAAT présente à multiples reprises l’axe finances et fiscalité. Pourtant, ces éléments n’apparaissent pas dans les constats de la PNAAT pour expliquer l’étalement urbain ou le manque de valorisation du patrimoine bâti.
Actuellement, les revenus des municipalités dépendent principalement du développement immobilier sur leur territoire et ils n’ont pas d’incitatifs à la densification urbaine, en particulier pour la requalification de sites ainsi que la valorisation du patrimoine bâti. Le bilan souligne que les municipalités, notamment dans les milieux ruraux, manquent de ressources, « du moins sur la base des règles de fiscalité et de financement en vigueur » pour soutenir le développement et la planification de leur territoire dans une perspective durable.
Pour convenir des moyens qui seront mis en œuvre à l’hiver 2023, la PNAAT présente plutôt un manque d’expertise : « Par un soutien ciblé, le gouvernement souhaite que les instances municipales disposent de l’expertise suffisante et acquièrent les connaissances et les outils nécessaires pour remplir pleinement leur rôle de maître d’ouvrage d’une architecture et d’un aménagement de leur territoire qui soient durables. Un partenariat renforcé entre le milieu municipal et le gouvernement facilitera et accélérera la concrétisation de projets inspirés des meilleures pratiques en architecture, en urbanisme et en aménagement du territoire »[1].
Mieux aménager nos municipalités pour garantir leur vitalité
Dans une lettre ouverte cosignée, notamment par le maire de Trois-Pistoles et par le maire de Rimouski, les élus réagissent à la PNAAT en soulignant qu’ils appuient la vision stratégique, mais qu’ils attendent impatiemment les moyens. « Les défis pressants auxquels font face nos milieux de vie commandent une mise en œuvre ambitieuse et rigoureuse, et ce rapidement », indiquent-ils.
Dans ce contexte, les élus présentent plusieurs moyens de mise en œuvre qui devraient être réalisés rapidement par le gouvernement qui sera élu cet automne, notamment, de donner les moyens financiers aux municipalités pour réaliser des projets d’aménagement durables.
« Les incitatifs à un aménagement durable sont trop peu nombreux et la capacité d’y arriver fait structurellement défaut. Pour consolider nos villes et nos villages, le plan de mise en œuvre devra prévoir dès 2023 des investissements d’au moins 100 M$ par année pour appuyer les projets d’aménagement et d’urbanisme durables, en plus d’une stratégie gouvernementale pour la vitalité des centres-villes et noyaux villageois. »
Ainsi, comme le soulignait l’organisme Vivre en ville en réaction au dévoilement de la vision stratégique de la PNAAT, « Les vraies décisions restent à prendre ».