
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la permaculture n’est pas seulement un ensemble de techniques de jardinage. L’enseignant de permaculture Graham Burnett la définit comme « une révolution déguisée en jardinage biologique1 ». En effet, la permaculture se caractérise par une approche diversifiée et holistique qui a des applications dans tous les aspects de la vie. Les valeurs fondamentales au cœur de la permaculture peuvent se résumer ainsi : le respect de la Terre, le souci des gens et le partage équitable2. Autrement dit, il s’agit de reconnaître les principes et les motifs universels présents dans la nature et de les appliquer au quotidien, que ce soit dans la vie courante ou au jardin.
Dans cette optique, une mauvaise herbe devient « une plante dont les vertus n’ont pas encore été découvertes3 ». Ces herbes « bénévoles » permettent de ramener très rapidement les terres cultivées à l’état sauvage en créant des oasis de biodiversité. Selon le principe de la permaculture, la vie est organique et non linéaire. Les problèmes se transforment en solutions, et la richesse se définit par une vie simple doublée d’un état d’esprit positif. Le principe de permaculture suggère de commencer par un projet petit et gérable, c’est-à-dire par des changements mineurs et significatifs. Perrine et Charles Hervé-Gruyer, créateurs de la micro-ferme de permaculture du Bec Hellouin, expliquent : « On habite la seule planète vivante connue, c’est une sorte de petit jardin dans les étoiles. Tout est vide, froid et minéral dans l’univers autour de nous […] Quand on est paysan ou jardinier on a la chance et l’honneur incroyable d’être gardien d’un petit morceau de la seule planète vivante connue […] il y a toute une dimension de gratitude et d’émerveillement devant ce monde somptueux qu’on habite. »4
Rob Hopkins, enseignant de permaculture et initiateur du mouvement des villes en transition, applique les principes de la permaculture aux enjeux actuels et suggère que les fictions collectives sont essentielles pour amorcer la décroissance. C’est que les gens en sont venus à craindre l’avenir, car le barrage constant de nouvelles négatives qui les entourent les met dans un état hyper-anxieux5. Selon le permaculteur, l’imagination est vitale pour la santé des êtres humains et elle s’épanouit par le jeu libre, la présence de la nature, une véritable éducation, le minimalisme digital ainsi que par la capacité des personnes à raconter de meilleurs récits et à se poser de meilleures questions. Il s’agit de perfectionner l’art de se poser de vraies bonnes questions qui suscitent imagination et action. Chemin faisant, la population doit apprendre à créer des fictions positives qui racontent avec bienveillance un futur respectueux de la vie et de la nature. Autrement dit, il s’agit de s’initier à une utilisation intelligente des médias et autres réseaux d’information pour partager des récits d’avenir réalistes, inspirants et encourageants plutôt que de mettre constamment l’accent sur des histoires dramatiques et catastrophiques.
LA NATURE EN VILLE
D’après Hopkins, il est primordial que les gens provoquent réflexions et conversations, c’est-à-dire qu’ils sortent dehors en plein air pour rencontrer leurs concitoyens, imaginer leur futur et lancer toutes sortes d’initiatives individuelles et collectives pour vivre en harmonie avec la nature qui les entoure. Le mouvement National Park City invite citadins et autorités à transformer leurs villes en véritables lieux de vie où il y a davantage de chants d’oiseaux, de forêts nourricières, d’activités sportives et artistiques en plein air6. L’idée est que les citoyens de tous les âges ramènent leurs villes à une échelle humaine, à l’image du mouvement Playing Out qui pousse les résidents à barrer quelques rues de leur ville certains jours chaque semaine pour permettre à tout le monde d’y jouer et d’y vivre en toute sécurité7. Si les villes et les villages évoluent en ce sens, il est possible d’espérer que les écosystèmes de la planète se régénèrent et abritent, comme à l’aube des temps, une biodiversité aussi riche que variée.
Hopkins souligne que chacun doit apprendre à imaginer un futur positif, en commençant par se poser la question : « … et si les choses se passaient bien? » D’après la permaculture ou encore selon l’approche de la pleine conscience, une vie minimaliste au contact de la nature est de plus en plus considérée comme synonyme de richesse, d’intelligence, de paix et de savoir-vivre collectif. Dans la discrétion des foyers et des jardins, dans les villes autant qu’à la campagne, une révolution mondiale s’opère. Saura-t-elle faire face aux enjeux de l’anthropocène? Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier cette force citoyenne tranquille qui est à l’œuvre pour créer un monde meilleur, lentement mais sûrement.
1 Graham Burnett, La permaculture. Une brève introduction, Écosociété, 2013, p. 13.
2. Burnett, ouvr. cité, p. 21.
3. Burnett, ouvr. cité, p. 27.
4. « Vivre avec la terre », Actes Sud, 2019, https://www.youtube.com/watch?v=LWakyGbkboY
5. Rob Hopkins, From what is to what if, Chelsea Green Publishing, 2019, p. 116.
6. Rob Hopkins, ouvr. cité, p. 63.
7. Playing Out, s. d., https://playingout.net/