
Alors que près de six millions de Canadiens ont déjà voté par anticipation, un débat entre candidat·e·s au poste de député de Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques a eu lieu au cégep de Rimouski, mercredi soir. Et à l’instar des débats télévisés entre chefs de partis, il a manqué à la fois de substance et de passion.
Environ 70 personnes, dont de nombreux étudiants, étaient présentes dans la salle Georges-Beaulieu du cégep de Rimouski pour entendre cinq candidat·e·s : Maxime Blanchette-Joncas (Bloc québécois, sortant), Léonie Lajoie (Parti libéral), France Gagnon (Parti conservateur), Sylvain Lajoie (NPD) et Noémi Bureau-Civil (indépendante).
Étant donné le lieu du débat, Maxime Blanchette-Joncas avait clairement ciblé ce qui interpelle les jeunes générations en cette année marquée par des feux de forêt et des températures record dans l’ouest du pays : il est constamment revenu sur l’enjeu des changements climatiques dans ses interventions. En conclusion du débat, il a d’ailleurs annoncé que s’il était réélu le 20 septembre, il créerait un comité climat incluant des élus, des étudiants et des citoyens. « On doit faire face à l’urgence climatique et pour ça, on doit échanger nos idées », a-t-il déclaré.
Après un cadeau de l’animateur Jean-François Fortin en guise de première question (grosso modo, en quoi le Bloc est-il meilleur que le Parti conservateur pour défendre le Québec?), le député bloquiste s’est distingué par sa connaissance des enjeux bas-laurentiens lors d’un chapitre sur les priorités régionales des candidats, alors que ses adversaires tentaient maladroitement d’appliquer les propositions de leur parti au contexte de la région.
Le député sur la défensive
À ce moment-là, il était clair que M. Blanchette-Joncas, qui siège à Ottawa depuis deux ans, était le seul sur scène à avoir l’air d’un député. Il a cependant de plus en plus eu l’air d’un politicien lors des face-à-face entre candidats, où plusieurs flèches ont été dirigées vers lui : il les a esquivées plutôt que de les affronter. La candidate conservatrice France Gagnon n’a pas eu de réponse claire à ses questions sur ses dépenses excessives et le renvoi de ses employés. L’entente de départ est confidentielle, a répondu Maxime Blanchette-Joncas.
L’actuel député a également botté en touche lorsque Noémi Bureau-Civil a relevé que sa proposition sur l’électrification des transports « va entrainer un déficit de cobalt en 2024 et un déficit de nickel en 2028, donc est physiquement impossible ».
Auparavant, alors qu’il avait questionné la candidate libérale sur l’achat par son parti de l’oléoduc Trans Mountain, il s’était fait servir sa propre médecine : celle-ci lui a rappelé les incohérences de son chef Yves-François Blanchet, qui a soustrait le projet de cimenterie McInnis à un examen du BAPE lorsqu’il était ministre de l’Environnement du Québec.
PLC, PCC et NPD ne se distinguent pas
Cela a cependant été la seule fulgurance de Léonie Lajoie, qui a semblé perdue tout au long de ce débat. N’ayant pas anticipé une question prévisible de l’animateur sur le bilan du gouvernement Trudeau, elle a affirmé que les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont baissé de 36 % depuis 2005, ce qui est faux : elles ont diminué de 1,1 % seulement depuis cette date, et ont même augmenté depuis l’entrée en poste de Justin Trudeau en 2015
Durant tout le débat, France Gagnon était au diapason du Parti conservateur et de son chef Erin O’Toole : l’expression « changements climatiques » fait – enfin – partie de son langage, mais sa compréhension en est tout à fait absente, de même que l’urgence qui y est reliée.
Une jeune spectatrice a brillamment fait remarquer à la candidate conservatrice qu’elle ne parlait que des comportements des individus, et lui a demandé ce qu’elle ferait pour limiter les émissions des principaux pollueurs, c’est-à-dire les grosses entreprises. « Je vous inviterais à aller lire notre plateforme qui est en cinq points très clairs et responsables pour les entreprises », a répondu Mme Gagnon. « On a un plan pour ça », aurait dit Erin O’Toole.
Pour ce qui est du candidat néo-démocrate, il a cherché à s’appuyer sur l’héritage de Guy Caron et à mettre de l’avant quelques propositions, comme un revenu de base universel. Aura-t-il réussi à faire progresser un parti qui ne compte plus qu’un député au Québec? Rien n’est moins sûr : une seule question du public lui a été adressée.
La décroissance marque des points
Certains tenteront probablement de déterminer un·e gagnant·e de ce débat. Le Mouton Noir ne s’y risquera pas : la question qu’on devrait se poser dans un exercice de ce type, c’est « comprend-on mieux les enjeux de cette élection? » Nous aurions tendance à y répondre par la négative.
Notons quand même que la candidate indépendante Noémi Bureau-Civil a gagné l’affection d’une partie de l’auditoire : ses interventions à contre-courant, au cours desquelles elle a remis en question le bien-fondé de la croissance économique et affirmé que « tous les autres partis font fausse route » lui ont valu de belles salves d’applaudissement, qui devraient nous interroger sur la nécessité de ramener un peu de cœur dans le système politique.
Elle a annoncé qu’au cas où elle serait élue, elle donnerait 80 % de son salaire de députée (185 000 $) pour l’organisation d’une convention citoyenne au cours de laquelle un projet de loi serait élaboré, une proposition rafraîchissante à une époque où la demande de participation citoyenne est grande.
Mme Bureau-Civil s’est toutefois montrée peu empathique face à une question d’un jeune homme s’inquiétant de l’avenir de l’entreprise de sa mère, qui vend de la moulée aux fermes laitières de la région, dans une société post-croissance. « La croissance économique infinie est impossible, donc aussi bien organiser [la décroissance] avec des revenus [universels garantis] qui permettent aux personnes de se réorienter avec des emplois qui ont plus de sens et qui répondent mieux aux besoins de la population », a-t-elle répondu.
Comme prévu, le candidat du Parti populaire du Canada Jean Tardy n’a pas pu participer au débat, puisqu’il n’a pas de passeport vaccinal. Entré sans masque dans le cégep en compagnie de sympathisants, il a été intercepté par les agents de sécurité mais s’est quand même rendu jusqu’à l’entrée de la salle Georges-Beaulieu, où le contrôle du passeport vaccinal avait lieu. Il a dû par la suite rebrousser chemin.