
J’ai un jour appris que le véritable but de la science est de construire de la connaissance en prenant la mesure du monde qui nous entoure. Dans ce monde, il existe une variété de paradigmes, d’hypothèses, de recherches auxquels nous n’avons pas accès à travers les médias de masse. C’est pourquoi il me semblait intéressant de parcourir, dans le corpus des recherches en relation avec le virus actuel, celles qui permettent d’ouvrir l’éventail des possibles. Je présente ici une recension non exhaustive d’études scientifiques qui sortent du paradigme biomédical. Cela donne un article « plate », mais rempli de références. Gardons à l’esprit que ce sont souvent des recherches exploratoires – comme le sont toutes celles concernant la COVID-19 d’ailleurs. Comme le disait Popper en 1935 : « Notre science n’est pas une connaissance, elle ne peut jamais prétendre avoir atteint la vérité, ni l’un de ses substituts, telle la probabilité. […] nous ne savons pas, nous ne pouvons que conjecturer. » Alors conjecturons ensemble sur les sentiers de la prophylaxie et des traitements dans la médecine intégrative.
L’alimentation et la réponse inflammatoire
Pendant la première année de son existence, malgré qu’il appartienne à la famille des coronavirus qu’on connaît déjà, les chercheurs ont découvert la variété de symptômes que le SRAS-CoV-2 pouvait créer. Il est maintenant connu que la sévérité et la létalité de la COVID-19 sont reliées à la réponse inflammatoire1, qui peut s’emballer dans ce qu’on appelle une « tempête » de cytokines. Plus simplement, les cytokines sont des médiatrices de l’inflammation qui nous permettent de la combattre. Cependant, elles peuvent par moments « perdre le nord » – notamment dans des maladies comme la polyarthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn, mais aussi dans la COVID. Dans le cas présent, la réponse inflammatoire peut créer des lésions importantes et possiblement permanentes, en particulier chez les sujets immunodéprimés.
La nutrition joue un rôle majeur dans les phénomènes inflammatoires. Depuis la pandémie, quelques recherches se sont penchées sur le rôle des habitudes alimentaires dans la sévérité des symptômes de l’infection et sa létalité, en concluant à l’importance de recourir à une stratégie qui tient compte des choix alimentaires2. Selon Butler et Barrientos, les aliments riches en gras saturés, en sucres et en glucides raffinés de la diète occidentale pourraient non seulement exposer les populations à un risque accru de forme sévère de COVID-19, mais également à des complications à long terme3. Des chercheurs ont aussi mis en relation les diètes japonaise et méditerranéenne4, connues pour leurs propriétés anti-inflammatoires, et la diète occidentale, connue pour ses propriétés inflammatoires. Ils concluent que, dans une approche préventive, la nutrition pourrait jouer un grand rôle pour réduire la létalité lors de pandémies comme celle que l’on connaît. Ils lancent un cri du cœur : « Des recherches dans ce domaine sont nécessaires de toute urgence. Pouvons-nous nous permettre de ne pas poursuivre dans cette ligne de recherche? »
Vitamines et oligo-éléments
Si l’alimentation joue un rôle important dans la sévérité de la COVID, qu’en est-il des nutriments comme les vitamines et les oligo-éléments essentiels? Peuvent-ils agir dans la prévention, voire dans la guérison? Ce qui ressort dans la recherche actuelle, c’est la vitamine C, le zinc et, loin devant, la vitamine D5. Selon les nutritionnistes Josh Gitalis et Meghan Telpner, plus de 270 études scientifiques évaluées par des pairs traitent de l’impact de la vitamine D sur le virus actuel. En voici quelques-unes.
Une étude6, d’une durée de trois mois, dans 50 états américains, auprès de 191 779 personnes, a établi que le taux de contagion du virus était supérieur d’environ 50 % chez les personnes avec une insuffisance en vitamine D, et ce, origine ethnique, sexe, latitude et âge confondus.
En mars 2021, une analyse multivariée7 sur 287 personnes atteintes de la COVID a démontré que, chez les patients âgés de 65 ans, un taux suffisant en vitamine D était statistiquement associé à une diminution de 67 % de létalité, de 78 % du syndrome aigu de détresse respiratoire et à une diminution de 74 % du nombre de septicémies sévères. Ebadi et Montano-Loza8 soulignent qu’une carence en vitamine D est associée aux « tempêtes » de cytokines inflammatoires et ils notent le succès de traitements avec hauts dosages de cette vitamine chez des patients aux soins intensifs 9, 10. Trovas et Tournis11 déclarent que les populations bénéficieraient d’une supplémentation préventive quotidienne d’environ 1 000 UI de vitamine D. Plusieurs autres chercheurs12, 13, 14 concluentque, considérant tous les avantages d’une supplémentation en vitamine D et le fait que son administration est non invasive et sécuritaire, une supplémentation à très hauts dosages devrait être considérée pour les personnes déjà atteintes de la COVID-19. L’Écosse et le Royaume-Uni ont d’ailleurs entamé des campagnes de supplémentation en vitamine D chez les populations vulnérables. Reste maintenant à convaincre la santé publique de jeter un œil sur ces nombreuses études…
Les plantes médicinales
Le recours à des plantes médicinales pour lutter contre la COVID-19 relève-t-il de l’hérésie? Il faut savoir que les propriétés antivirales de plusieurs plantes médicinales sont depuis longtemps reconnues dans la documentation scientifique comme dans l’usage empirique et clinique. Pour cette raison, les plantes médicinales sont à l’étude depuis le début de la pandémie, particulièrement les plantes utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Une étude toute récente15 conclut à l’efficacité de la MTC : les auteurs expliquent que ce sont les propriétés anti-inflammatoires, immunomodulatrices et protectrices des plantes médicinales chinoises qui seraient principalement responsables de leur efficacité contre le virus. Dans une autre étude16 sur la médecine traditionnelle chinoise parue en janvier 2021, neuf auteurs concluent : « Il existe de bonnes preuves que la MTC peut soulager efficacement les symptômes des patients atteints de COVID-19 suspectés et confirmés, retarder la progression de la maladie légère et modérée à sévère et critique, et réduire la mortalité – toutes causes graves et critiques confondues. » Les auteurs souhaitent la formulation de lignes directrices internationales pour permettre l’utilisation de la médecine traditionnelle chinoise à plus large échelle, de façon à soutenir toutes les populations. Plusieurs chercheurs17 soulignent l’importance de trouver un cadre de référence commun pour l’étude des plantes médicinales pour le traitement de la COVID-19 et d’augmenter la portée des recherches effectuées.
Une approche intégrative
Dans un article rédigé en 202018, des chercheurs et praticiens recommandent une approche intégrative de prévention et de traitement contre la COVID-19 : ils parlent entre autres de l’importance du sommeil, de l’alimentation, de la réduction du stress, d’une supplémentation en vitamines C, D et en zinc. En avril 2020, le Journal of Alternative and Complementary Medecine19 annonçait la création d’un registre de soutien autour de la COVID-19, pour la santé en médecine traditionnelle, complémentaire et intégrative, registre chapeauté par plusieurs universités, associations et instituts de recherche. Ce registre est actuellement en fonction.
Pour un changement de paradigme
Dans un système économique où le capital est roi et maître, s’il nous est permis de nous interroger sur les décisions prises par nos gouvernements qui peuvent avoir des impacts sur le système scolaire, les communautés ou l’écologie, ne serait-il pas légitime et important de faire la même chose pour tout ce qui concerne la santé publique? La plupart des gouvernements ont demandé à leur population des efforts considérables, en appelant à la solidarité et au « prendre soin ». À la lecture de toutes ces recherches, je me questionne : serait-il possible, dans une intention réelle de protéger les populations, que des politiques de santé publique incluant les médecines intégratives soient créées? Serait-il possible de changer de paradigme et de passer de « il faut tuer le méchant ennemi coûte que coûte » à « il faut rendre notre territoire fort et par le fait même inhospitalier à une colonisation par d’indésirables virus »? Car, quoi qu’on en dise, les virus sont là pour rester et un petit quelque chose me dit que ce n’est que le début. Je dis ça, je dis rien là…
[1]. Diane-Marie Del Valle et al., « An inflammatory cytokine signature predicts COVID-19 severity and survival », Nature Medecine, vol. 26, octobre 2020, p. 1636-1643, www.nature.com/articles/s41591-020-1051-92. Ioannis Zabetakis et al., « COVID-19 : The inflammation link and the role of nutrition in potential mitigation », Nutrients, vol. 12, no 5, mai 2020, p. 1466, pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32438620/
3. Michael J. Butler et Ruth M. Barrientos, « The impact of nutrition on COVID-19 susceptibility and long-term consequences », Brain, Behavior, and Immunity, vol. 87, juillet 2020, p. 53-54, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7165103/
4. Arnold R. Eiser, « Could dietary factors reduce COVID_19 mortality rates? Moderating the inflammatory state », The Journal of Alternative and Complementary Medicine, vol. 27, no 2, février 2021, p. 176-178, www.liebertpub.com/doi/full/10.1089/acm.2020.0441
5. Adrian R. Martineau et al., « Vitamin D supplementation to prevent acute respiratory tract infections : systematic review and meta-analysis of individual participant data », The BMJ, vol. 356, février 2017, pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28202713/
6. Harvey W. Kaufman et al., « SARS-CoV-2 positivity rates associated with circulating 25-hydroxyvitamin D levels », Plos One, vol. 15, no 9, 17 septembre 2020, doi.org/10.1371/journal.pone.0239252
7. Nipith Charoenngam et al., « Association of vitamin D status with hospital morbidity and mortality in adult hospitalized patients with COVID-19 », Endocrine Practice, vol. 27, no 4, avril 2021, p. 271-278, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7939977/
8. Maryam Ebadi et Aldo J. Montano-Loza, « Perspective: improving vitamin D status in the management of COVID-19 », European Journal of Clinical Nutrition , vol. 74, 12 mai 2020, p. 856-859, www.nature.com/articles/s41430-020-0661-0
9. Jenny E. Han et al., « High dose vitamin D administration in ventilated intensive care unit patients: a pilot double blind randomized controlled Trial », Journal of clinical & translational endocrinology, vol. 4, juin 2016, p. 59-65, pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27419080/
10. Ellen M. Smith et al., « High-dose vitamin D3 administration is associated with increases in hemoglobin concentrations in mechanically ventilated critically Ill adults: a pilot randomized, placebo-controlled trial », JPEN J Parenter Enteral Nutr, vol. 4, no 1, janvier 2018, p. 87-94, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5423855/
11. George Trovas et Symeon Tournis, « Vitamin D and COVID-19 », Hormones, vol. 20, mars 2021, p. 207-208, https://doi.org/10.1007/s42000-020-00231-9
12. Adrian Martineau et Nita G. Forouhi, « Vitamin D for COVID-19: a case to answer? », The Lancet Diabetes & Endocrinology, vol. 8, no 9, septembre 2020, p. 735-736, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7398646/
13. Ashu Rastogi et al., « Short term, high-dose vitamin D supplementation for COVID-19 disease: a randomised, placebo-controlled, study (SHADE study) », Postgraduate Medical Journal, 2020, doi:10.1136/postgradmedj-2020-139065
14. William B. Grant et al., « Evidence that vitamin D supplementation could reduce risk of influenza and COVID-19 infections and deaths », Nutrients, vol. 12, no 4, avril 2020, doi: 10.3390/nu12040988
15. Wei Ren et al., « Research progress of traditional Chinese medicine against COVID-19 », Biomed Pharmacother, 2021, doi: 10.1016/j.biopha.2021.111310
16. Xuedong An et al., « The direct evidence and mechanism of traditional Chinese medicine treatment of COVID-19 », Biomed Pharmacother, janvier 2021, doi:10.1016/j.biopha.2021.111267
17. Claudia Citkovitz et Rosa Schnyer, « Chinese Herbal Medicines During the Covid-19 Pandemic: A Role for Observational Studies », The Journal of Alternative and Complementary Medicine, vol. 26, no 7, juillet 2020, doi.org/10.1089/acm.2020.0232
18. Lise Alschuler et al., « Integrative considerations during the COVID-19 pandemic », Explore, vol. 16, no 6, novembre-décembre 2020, doi: 10.1016/j.explore.2020.03.007
19. John Weeks., « Announcing the traditional, complementary and integrative health and medicine COVID-19 support registry », Journal of Alternative and Complementary Medecine, vol. 26, no 4, avril 2020, doi: 10.1089/acm.2020.29083.jjw