
Je tiens à intervenir sur les enjeux forestiers ‒ multiples ‒ qui émergent dans l’actualité depuis quelque temps. Qu’il s’agisse des révélations de l’émission Enquête ou de la flambée des prix du bois d’œuvre, la forêt fait souvent la une. Malheureusement, on présente un portrait peu flatteur de ce qui devrait faire l’objet de notre plus grande estime et de notre première considération. La forêt est une richesse mal estimée. Elle appartient à l’ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Pourtant, nous n’avons jamais autant eu cette impression d’en être dépossédés.
J’écris cela avec mon parcours de 30 ans comme travailleur du papier, mais aussi comme président de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN). Notre organisation syndicale représente plus de 5 000 travailleuses et travailleurs de la forêt, occupés à des travaux sylvicoles ou aux usines de papier, incluant évidemment les scieries et autres usines de transformation. Plus largement, nous sommes présents dans toutes les sphères de l’activité manufacturière.
Nos membres sont préoccupés depuis plusieurs décennies par l’effet des crises conjoncturelles ou structurelles qui bouleversent le secteur de la forêt et précarisent des pans entiers de notre industrie forestière. La disparition des journaux écrits et la diminution de l’utilisation du papier dans les communications, par exemple, mettent à risque des centaines de bons emplois dans des régions qui souffrent déjà de la disparition de plusieurs postes dans ces mêmes usines depuis 2010. Beaucoup d’employeurs prennent le virage vers de nouveaux créneaux et tentent de maintenir les postes. Il faut absolument les soutenir et les encourager dans ce sens.
Nous trouvons inacceptable que notre ressource la plus précieuse ne fasse pas l’objet de plus de considération de la part du gouvernement. Bien sûr, les gouvernements sont prêts à soutenir tout projet de développement et de transformation pour les usines déclassées, mais il manque cruellement de vision sur la façon de s’assurer que cette richesse fructifie. La ressource doit bénéficier aux communautés forestières en premier, par la création de bons emplois et ensuite au reste des citoyens du Québec, par l’accessibilité, la cohésion entre les usages et la conservation de notre territoire forestier. L’état de la forêt que nous laisserons après nous sera le gage de la considération que nous avons pour nos enfants.
Il est possible de cultiver la forêt en zones productives et de générer de l’activité économique partout au Québec. La concentration des leviers décisionnels doit assurément être revue pour que les communautés et les travailleurs puissent intervenir dans les choix et les orientations qui touchent leur forêt et son utilisation. Cela doit se faire avec l’objectif de maintenir des emplois partout au Québec. Peut-être que derrière l’arbre du ministère se cache une forêt de possibilités?
Pendant que d’autres demandent des actions sans trop savoir vers où aller, nous sommes plutôt d’avis que l’heure est à la réflexion, à la concertation et au dialogue sur la forêt et son avenir. La FIM-CSN souhaite que le gouvernement du Québec tienne dans les meilleurs délais un sommet national sur la forêt, qui rassemblera les différents intervenants, l’industrie, les travailleurs, les scientifiques, les utilisateurs, les communautés autochtones et forestières et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs pour une grande conversation. L’objectif doit être de s’assurer que la fibre qui pousse en forêt permet de tisser des liens entre les différents usages, entre la productivité et la conservation et surtout renforce nos économies locales et régionales partout sur le territoire. Cela passe, pour nous, par la mise en place d’une stratégie industrielle forestière durable.
Cette fibre est le meilleur de nous-mêmes. Elle est étroitement liée à notre histoire. C’est une richesse convoitée et nous avons les outils pour faire en sorte qu’elle profite à l’ensemble des Québécois et des Québécoises. Je suis persuadé qu’elle sera aussi au cœur de notre avenir, d’où la nécessité de la pérenniser et de la valoriser, ensemble.