
Vous pensez vivre dans un pays où toutes et tous ont les mêmes droits inaliénables? Vous vous trompez. L’une des principales injustices migratoires ayant présentement cours au Canada consiste en l’existence de logiques de sous-citoyenneté. Qu’elles soient demanderesses d’asile, réfugiées ou travailleuses migrantes, des milliers de personnes vivent sur le territoire canadien sans avoir accès à l’entièreté des droits pourtant garantis par nos lois. Les personnes les plus vulnérabilisées par ce régime de droits à deux vitesses sont bien souvent des personnes racisées. Celles-là même qui, dans certains cas, ont été forcées de quitter leur pays à cause de politiques commerciales et militaires déstabilisatrices du Canada à l’international ou encore de compagnies minières canadiennes irrespectueuses des droits humains et de l’environnement, pour ne nommer que deux exemples de notre co-responsabilité en tant que pays dans les migrations actuelles qui se font trop souvent non par choix mais par obligation. C’est pour transformer ce système migratoire injuste et raciste que le CIBLES soutient la campagne pancanadienne Un statut pour toutes et tous qui demande un statut d’immigration unique, complet et permanent pour toutes les personnes issues de l’immigration vivant au pays. Parce que tous les êtres humains sont égaux, il importe de donner les mêmes droits à tous et à toutes, et non pas de les rendre conditionnels au compte en banque, aux diplômes, aux pays d’origine des individus ou aux intérêts purement économiques du Canada à l’égard des personnes migrantes.
Conscients du caractère controversé d’une telle revendication et convaincus que les meilleures personnes pour en juger sont celles qui ont elles-mêmes vécu le processus de migration au Canada, nous sommes allés à la rencontre de trois Rimouskois et Rimouskoises issus de l’immigration afin d’échanger sur le sujet.
Nancy est arrivée au Bas-Saint-Laurent comme personne réfugiée en 2003 depuis la Colombie, alors que la région commençait à peine à recevoir des personnes réfugiées. Elle reconnaît sans difficulté que l’accompagnement offert à ces dernières par le gouvernement est très complet et affirme ne pas avoir à s’en plaindre. Connaissant plusieurs personnes migrantes, elle affirme cependant que la multiplicité des statuts (demandeur d’asile, réfugié, étudiant international, travailleur migrant, etc.) ainsi que la complexité des processus administratifs entourant l’immigration au Canada forcent de nombreuses personnes à chercher de l’aide, ne serait-ce que pour être en mesure de remplir correctement les formulaires gouvernementaux. Selon elle, cette complexité ouvre la porte à de nombreuses situations d’abus. La confusion liée au système migratoire canadien permettrait à des fraudeurs de s’enrichir et pousserait plusieurs personnes migrantes à s’endetter. Nancy considère donc que la mise sur pied d’un statut unique faciliterait le processus d’immigration et d’intégration des personnes qui arrivent au Canada tout en diminuant leur vulnérabilité.
D’origine sénégalaise, Baba est arrivé à Rimouski en janvier 2016, dans le cadre de ses études. Pour lui, toutes les personnes ayant pour objectif de venir vivre au Canada devraient avoir immédiatement accès à la résidence permanente. S’il considère que ce statut ne devrait pas s’étendre aux étudiants internationaux et aux visiteurs (dont le séjour au Canada est temporaire), Baba soutient que toute personne demeurant au Canada — immigrante ou non — devrait avoir accès à un minimum en termes de logement, de nourriture et de soins de santé. En ce sens, il prône la mise sur pied de meilleures ententes internationales afin de faciliter les migrations et de mettre fin aux inégalités entourant les déplacements à l’échelle mondiale.
Toutes ces opinions sont partagées par María. Hondurienne arrivée au Québec il y a 14 ans, elle est passée par deux statuts d’immigration différents : étudiante, puis visiteuse. Pour elle, comme pour Nancy, les difficultés administratives qui entourent l’arrivée au Canada sont un choc de plus pour les nouveaux arrivants — en plus du choc culturel, des différences de température et de la langue par exemple. Elle est également en accord avec Baba et considère que toute personne souhaitant s’installer au Canada devrait pouvoir le faire et avoir accès aux mêmes droits que toute autre personne vivant sur le territoire canadien. Cependant, elle souligne également que les besoins et les objectifs de chaque catégorie d’immigrants sont différents et qu’il serait important qu’un statut unique ne gomme pas cette diversité. Elle ajoute finalement qu’au-delà des statuts, il est primordial que des processus d’intégration soient mis en place autant pour les personnes qui arrivent que pour celles qui reçoivent. Selon elle, sans cet effort conjoint, l’immigration amène la création de deux mondes à l’intérieur de la même société plutôt que permettre la collaboration entre citoyens construisant leur pays ensemble en s’appuyant sur la richesse de la rencontre de l’autre.
Malgré de légères divergences d’opinion sur certains points et des parcours différents, ces trois Rimouskois et Rimouskoises d’adoption soulignent sans difficulté l’importance d’accorder les mêmes droits ainsi qu’un statut permanent à toutes les personnes désirant vivre au Canada. Tout en étant reconnaissants à l’égard de ce pays pour son accueil, il et elles déplorent la complexité du système actuel et les injustices qu’il permet. Insistant sur le caractère positif des migrations et sur la richesse des rencontres interculturelles, Nancy, Baba et María ont ajouté leur nom à la campagne Un statut pour toutes et tous avec plaisir et espoir et vous invitent à œuvrer à la hauteur de vos moyens pour une plus grande justice migratoire.
Pour ajouter votre nom à la campagne, rendez-vous au migrantrights.castatut-pour-tous
. La justice migratoire, ça nous concerne toutes et tous!