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Féministes contre l’injustice migratoire

Par Florie Dumas-Kemp le 2020/11
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Féministes contre l’injustice migratoire

Par Florie Dumas-Kemp le 2020/11

Ces derniers mois, la pandémie de COVID-19 a chamboulé bien des sphères de nos vies. Elle a aussi mis en lumière et exacerbé les injustices que subissent les personnes migrantes au Canada et à travers le monde. Durcissement des frontières, droits bafoués, racisme systémique, criminalisation et détention, travail essentiel mais précaire et sous-payé, etc. Comment les femmes migrantes sont-elles affectées par ces injustices? Voyons ici en trois points pourquoi la justice migratoire doit être au cœur des luttes féministes.

Les violences sexistes sur la route migratoire

Sur 19,6 millions de personnes réfugiées à l’échelle mondiale, la moitié sont des femmes. Sur 244 millions de personnes migrantes dans le monde, près de la moitié sont des femmes. Les parcours migratoires sont aussi variés qu’il y a de personnes migrantes. Toutefois, pour les femmes, la migration vient avec un lot de difficultés particulières.

Au cours des dix dernières années, le nombre de personnes forcées de migrer a bondi de plus de 50 %. Les conflits sont une des sources principales des déplacements forcés. Les femmes sont particulièrement affectées par ces conflits, car elles y subissent des violences sexuelles de manière disproportionnée. Lorsque les femmes fuient ces zones, les violences sexistes et sexuelles se poursuivent. En Amérique latine, ce sont plus de 80 % des migrantes qui sont agressées sexuellement sur leur trajet vers la frontière américaine. Les femmes migrantes sont aussi particulièrement vulnérables face à la traite humaine.

De plus, les droits des femmes enceintes sont fragilisés pendant leur voyage migratoire. Elles n’ont pas accès à des soins prénataux ou d’accouchement adéquats. Sans ces soins de santé, elles font face à un très grand risque de mortalité. C’est d’ailleurs l’une des principales causes de décès et de maladie pour les femmes et les filles déplacées. 

Pour lutter contre ces violences sexistes vécues par les migrantes à travers le monde, il nous faut défendre la liberté de circulation pour tous et toutes et le droit des personnes de migrer dans des conditions sécuritaires et dignes. 

L’exploitation en terres d’accueil

Lorsque les femmes migrantes arrivent à destination, elles doivent maintenant faire face à de nouvelles difficultés. Le racisme systémique, mêlé au sexisme, entrave leur recherche d’emplois et de conditions de travail dignes. Elles gagnent généralement moins que leurs consœurs blanches qui, elles, gagnent déjà moins que les hommes blancs. Globalement, elles occupent majoritairement des emplois dévalorisés et sous-payés, comme le travail de soins ou le travail domestique. Dans le monde, les femmes représentent la grande majorité des travailleurs domestiques migrants. Ces travailleuses, souvent confinées chez leur employeur, font face à des risques d’abus importants, et ce, même au Canada. 

Quand les personnes migrantes ont accès à du travail, il se fait généralement dans des conditions inhumaines et parfois même mortelles. La pandémie a cependant exposé le fait que le travail de ces personnes est essentiel, dans les champs ou les CHSLD. Chaque travailleuse devrait pouvoir jouir de conditions de travail décentes et dignes, qu’elles soient migrantes ou non.

Sans statut ni droits

Parmi ces travailleurs et travailleuses essentielles de l’ombre, on trouve beaucoup de personnes sans statut. Au Canada, on estime que quelques centaines de milliers de personnes migrantes sont sans statut d’immigration valide. Les personnes sans statut n’ont pas accès aux soins de santé, à l’éducation, ni aux conditions de travail minimales en vigueur. La situation des femmes sans statut est d’autant plus précaire. 

Comme le soulignait le Collectif des femmes sans statut de Montréal en 2016, elles sont plus vulnérables et affectées économiquement, car « ce sont elles qui doivent généralement rester à la maison quand les enfants ne peuvent pas aller à l’école parce qu’ils n’ont pas de papiers1. ». De plus, lorsqu’elles subissent des violences domestiques, elles n’ont aucun recours. La menace de déportation et de détention maintient ces femmes dans des situations d’exploitation extrême ou de violence.

Solidaires contre l’injustice migratoire 

Face à ces injustices, des groupes de femmes migrantes s’organisent partout dans le monde pour défendre leur droit à la dignité. Pensons à l’association Egna Legna Besidet2 qui milite pour les droits des travailleuses migrantes au Liban, ou encore au Collectif des femmes sans statut à Montréal. Ici, au Québec, nous pouvons soutenir les luttes des femmes migrantes en revendiquant un statut pour tous et toutes3 afin qu’elles puissent vivre dignement dans le respect de leurs droits. Nous devons mettre un terme aux politiques migratoires injustes. Plus aucune femme ne devrait avoir à choisir entre aller à l’hôpital ou rester clandestine pour éviter la déportation. Plus aucune femme ne devrait avoir à choisir entre dénoncer son agresseur ou se cacher pour éviter la détention. 

Ce texte sera aussi publié dans le magazine Le Point du Comité de Solidarité/Trois-Rivières. 

1. Radio-Canada, « Appels à la régularisation du statut des femmes sans-papiers », déc. 2016, ici.radio-canada.ca/nouvelle/1003794/manifestation-montreal-regulisarisation-femmes-sans-papiers-villeray-collectif

2. egnalegna.org/#about-us

3. Ensemble pour un statut d’immigration complet et permanent pour tou-te-s, migrantrights.ca/statut-pour-tous/

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