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Quelle vision, quelles politiques, quelle cohérence dans l’action?

Par Bernard Vachon le 2020/11
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Quelle vision, quelles politiques, quelle cohérence dans l’action?

Par Bernard Vachon le 2020/11


DES FORCES INÉDITES DE CHANGEMENT

Le Québec des régions est en pleine mutation. Les perspectives démographiques fondées sur la répartition géographique de la population et l’essor économique des grands centres urbains qui drainent les ressources et le capital social des territoires peuvent laisser penser que plusieurs régions du Québec feront face à une spirale accentuée de déclin démographique et économique au cours des prochaines décennies, certaines frôleront l’extinction1. Or, il est une dimension de l’évolution de la société qui porte des forces susceptibles de donner une tout autre trajectoire à ce destin annoncé des territoires hors des grands centres.

Nous faisons référence ici à la dématérialisation de plusieurs secteurs de l’activité économique, le travail à distance (télétravail), la valorisation des paysages et du patrimoine naturel et bâti, la transition écologique, la quête pour une meilleure qualité de vie, la préoccupation de l’autonomie alimentaire, etc., qui sont autant de réalités actuelles qui font éclater les frontières de la cité. Ces réalités sont à l’origine de nouvelles logiques de localisation tant dans les entreprises que chez les travailleurs et les familles, créant des mobilités inédites et composant une nouvelle géographie du travail dont tirent désormais avantage les régions, leurs villes petites et moyennes et les espaces ruraux. Il y a là un créneau de recherche insuffisamment exploré au Québec et, conséquemment, peu ou mal compris des pouvoirs publics.

À défaut de prendre en compte ces évolutions en cours, les scénarios les plus sombres sont élaborés quant à l’avenir des régions, fondés essentiellement sur des résultats statistiques découlant d’analyses de profils passés que l’on présume se poursuivre et inexorablement s’amplifier dans le futur. Les études, observations et expériences construisent en nous des schémas mentaux – l’occupation et l’organisation du territoire par exemple, ou les concepts de métropole et de région –, et nous avons facilement tendance à croire que les choses sont immuables, que le monde tournera demain comme il tourne aujourd’hui.

Or, le futur ne sera pas le prolongement du passé. Il sera défini par les forces de changement. Le regard des décideurs politiques doit être prospectif. Si gouverner, c’est prévoir, planifier, c’est anticiper le monde, qui vient annoncé par les tendances qui se manifestent et qu’il importe de savoir lire.

METTRE DE L’ORDRE DANS LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

Les dernières réformes territoriales accomplies sous le gouvernement Couillard et renouvelées par le gouvernement Legault dans le cadre de la Stratégie pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires et de la Loi du même nom confiaient aux MRC la responsabilité du développement régional. Pour répondre à ce mandat, les MRC de chaque région ont créé des organismes réunissant les préfets qui se donnent pour mission de favoriser le développement régional en assurant la concertation intersectorielle entre les acteurs régionaux et locaux du territoire.

Le 18 septembre dernier, Investissement Québec, de concert avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MÉI), mettait sur pied des comités de développement régional pour chacune des 17 régions administratives. « Formés d’une douzaine de représentants, dont des gens d’affaires, des entrepreneurs et des acteurs locaux de développement économique, ces comités identifieront et recommanderont à la société Investissement Québec des projets qui favoriseront l’essor économique régional. […] Ces comités de développement régional ont pour mission de cibler les entreprises de leur région qui ont un potentiel de retombées importantes dans leur milieu et de les mettre en lien avec les experts d’Investissement Québec. Ils doivent également favoriser l’élaboration et la sélection des projets susceptibles d’accroître le développement économique de la région et les recommander à Investissement Québec. Enfin, chaque année, les comités devront proposer les priorités d’investissement pour leur région », indique Investissement Québec.

Du point de vue du développement et de l’aménagement des territoires, onze questions se posent :

1. Quel lien organique, quelle complémentarité entre les tables des préfets et les comités de développement régional?

2. Quelle harmonisation avec la Stratégie de développement économique local et régional actuellement en gestation au MÉI?

3. Que devient le rôle réel des élus dans le processus de développement régional?

4. La conception du développement régional du gouvernement Legault se limite-t-elle à la seule dimension économique?

5. Le développement économique ne doit-il pas s’inscrire au cœur de rationalités démographiques, sociales et environnementales des régions?

6. Quelle vision nationale se fait-on du rôle et de la contribution des régions dans le développement global de la société québécoise?

7. Où se logent les impératifs des transitions écologique, énergétique et agricole dans les actions territoriales d’Investissement Québec et du MÉI?

8. La relance économique post-pandémie doit-elle se faire en ne mobilisant que les acteurs économiques?

9. Quelle harmonisation entre les stratégies de développement économique et politique, d’aménagement et d’urbanisme?

10. À quand une Politique nationale d’aménagement du territoire tant réclamée et pour laquelle la ministre des Affaires municipales se dit prête à engager une profonde réflexion?

11. Quelle harmonisation entre stratégies de développement économique, aménagement du territoire, zonage agricole et développement durable?

Il y a urgence d’abandonner les pratiques en « silo » des pouvoirs publics pour plus d’intégration, d’harmonisation, de complémentarité et de cohérence.

1. Institut de la statistique du Québec, Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2016-2066, Édition 2019.

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