
Nous ne pouvons plus parler de CHSLD sans parler de la violence engendrée par ces endroits et leur incompatibilité fondamentale avec la vie humaine. Nous assistons à l’aboutissement de politiques ségrégationnistes désastreuses, qui volent les personnes âgées et handicapées de leur autonomie et de leur citoyenneté. J’ai 43 ans, je suis une personne handicapée captive du système institutionnel, ce que j’ai à dire doit être entendu.
Plusieurs se demandent comment on en est arrivé là. Les élus, les fonctionnaires, les gestionnaires et les syndicats ne nous ont simplement pas écoutés : nous voulons rester chez nous et vivre dans l’inclusion au sein de nos communautés!
Depuis l’ajout de la notion de handicap à notre charte des droits et libertés, les promesses de liberté, de justice et d’égalité n’ont pas été tenues. Peu ont remis en question le système médico-industriel qui nous déshumanise et nous exclut de la société. Peu ont réalisé que les CHSLD sont des endroits violents qui rendent les gens vulnérables aux abus physiques, psychologiques et sexuels. Peu parlent du désespoir et des dommages qu’engendrent l’institutionnalisation, la dépendance apprise, les privations sociales et la mort psychogène, par laquelle les gens se laissent mourir pour échapper à l’enfermement. Peu ont réalisé que beaucoup de ceux qui gèrent et prétendent représenter les personnes âgées et handicapées nous instrumentalisent pour arriver à leurs fins. Ils sont plus préoccupés par la tranquillité et le statu quo que par la justice et l’humanité!
UN GOUVERNEMENT PRO-SÉGRÉGATION
M. Legault a bien expliqué notre système d’apartheid : il y a deux mondes au Québec, d’un côté, les inutiles, les vieux et les pauvres handicapés et de l’autre, les vrais citoyens qui contribuent à la société. M. Legault, Mme Blais et Mme McCann sont si déconnectés de la réalité qu’ils s’attendent à ce que les gens acceptent de subir l’indignité qui leur est infligée année après année. Après avoir poussé leurs discours misérabilistes, infantilisants et paternalistes, ils en sont venus à vraiment y croire et sont maintenant pris au dépourvu avec les conséquences. Nous traiter comme des « vulnérables » et des « malades » est toxique. L’idée qu’on va vous enfermer, sans choix, dans un CHSLD, vous envoyer des clowns pour vous divertir et que l’État et sa machine vont bien s’occuper de vous est du poison.
LES CONSÉQUENCES DE LA SÉGRÉGATION
Le problème avec les CHSLD est leur existence même. À quoi peut-on s’attendre quand les personnes âgées et handicapées, et leurs proches, ne peuvent choisir où elles vivent et n’ont plus aucun choix ou contrôle sur leur vie, leur environnement ou sur le personnel qui les soutient? On doit attendre que les élus incompétents et leurs fonctionnaires viennent nous sauver avec les tentacules de leur bureaucratie. Ainsi, on crève, notre devoir national de mourir entre les mains de nos abuseurs est rempli. De plus, c’est maintenant une question de santé publique. Le Dr Arruda l’a expliqué, les CHSLD sont des dangers publics, des foyers d’infection qui propagent le virus dans la communauté.
L’ESPOIR D’UN CHANGEMENT?
Après des milliers de morts, on espère des changements. Après avoir passé des années à faire des représentations auprès de ce gouvernement et après avoir bâti et proposé une solution de rechange aux CHSLD avec Coop ASSIST, qui ferait en sorte que chaque Québécois pourrait choisir l’endroit où il vit et comment il y vit, à coût moindre, on constate que nos leaders n’ont aucune intention de changer. Des gens comme moi qui ont de plus grands besoins doivent toujours mourir « en dedans ».
POUR L’ABOLITION DES CHSLD
La gauche et la droite sont en accord, des commentateurs et des formations politiques appellent à l’abolition des CHSLD. C’est une excellente idée! Mais nous avons affaire aux gardiens du système qui vont utiliser toute leur influence pour maintenir le statu quo et continuer de faire de l’argent sur le dos des personnes âgées et handicapées. Les CHSLD, c’est une industrie de 10 milliards de dollars au Québec. Ça va prendre des pressions énormes pour briser ce monopole de la misère.
POUR UNE RÉFORME ET LE RESPECT DES DROITS DE LA PERSONNE
Toute réforme doit respecter nos chartes de droits et libertés et la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Nous sommes des citoyens ordinaires, des sujets de droit qui doivent être inclus dans la société. Avec mes collègues, je suis dans les tranchées à mener ce combat. Collectivement, nous sommes dans un moment décisif, à nous de saisir cette opportunité pour effectuer un changement de société à travers lequel la vie de tous sera valorisée et où le soutien nécessaire sera présent!
Jonathan Marchand vit au CHSLD de Sainte-Anne-de-Beaupré depuis 2012.