
En mars dernier, Lévesque éditeur publiait le premier roman de Pénélope Mallard, entre autres traductrice et enseignante en français langue seconde, collaboratrice au Mouton Noir par passion et générosité. Juliette ou Les morts ne portent pas de bigoudis est présenté aux lecteurs comme un « roman par nouvelles aux accents de réalisme magique ». Qu’est-ce que ça veut dire, au juste? Tout simplement que le roman est présenté par fragments : de passé et de présent, de Juliette et de sa famille, de la Bretagne au Bas-Saint-Laurent. Et que vous y trouverez des parts d’ombre fantomatiques, un peu comme dans certains romans de Catherine Mavrikakis, traversés de rayons lumineux, surréalistes, voire vianesques.
Au fil des récits, le lecteur fait la connaissance de l’attachante et bienveillante tante Mique, « sorcière de plantes », dont Juliette veut suivre les pas. Elles partagent le même don, celui de tout entendre : « le chant du ruisseau, les ailes des corneilles qui survolent le jardin, les fleurs dont les pétales se défroissent dans un chuchotement. » Toutes deux sentent la vie qui court dans leurs veines comme une tête de violon qui se déploie ou un érable qui se transforme aux équinoxes. Elles savent que malgré la tristesse d’avoir perdu un être cher, parfois, les « larmes ont aussi le goût de la joie ». Autour d’elles, l’inventif oncle Anatole et sa moustache en forme de sourire, Momone, la « grand-mère-vitriol » qui, au fond, n’est peut-être qu’une drama queen hypersensible, et les jumelles si diaphanes, effacées.
D’une nouvelle à l’autre, le lecteur voyage entre la Bretagne des ancêtres, la guerre qui sévit sur la côte, et le Bas-Saint-Laurent, lieu du coup de foudre entre Mique et Anatole et des promesses d’avenir de Juliette. L’autrice nous tend la clé pour entrer dans ces décors impressionnistes aux teintes de bleu Monet, jaune Van Gogh, avec une touche de rouge et d’orangé, et nous invite à prendre le temps de découvrir nos racines et de déchiffrer la langue des abeilles. Un kaléidoscope dans lequel les destins de chacun se nouent et se dénouent.
La réelle magie de ce roman, c’est qu’il nous ramène aux souvenirs de nos propres ancêtres, aux couleurs qu’ils ont laissées dans nos racines, à la façon qu’ils ont parfois de se rappeler à nous, aux espoirs partagés avec eux comme un serment de foi en l’avenir. Quand on comprend que la vie est un parcours sinueux et qu’elle continuera ainsi, avec ou sans nous, la mort ne nous fait plus raidir les cheveux.