
Le Mouton Noir a demandé au cinéaste Thomy Laporte de nous parler de son plus récent court-métrage de fiction, Marie d’Amérique, dont il est à la fois le scénariste, le réalisateur et le producteur. Tourné à l’hiver 2018 sur le territoire de la ville de Rimouski, le film met notamment en scène la comédienne Marie-France Marcotte. L’avant-première du film, présentée en collaboration avec Les Productions Par’Ici et le cinéma et centre de production Paraloeil, se tiendra le jeudi 14 novembre 2019, à 19 h 30, au cinéma Paraloeil.
Madeleine s’isole dans l’hiver de froid. Telle une âme en suspend tentant de se recréer un ailleurs, elle parle au téléphone avec une dénommée Marie. Marie d’Amérique propose une exploration sensible de ces instants de rupture sociale, où la fuite et l’errance ordinaire d’un corps dans l’espace expriment l’héritage de la culpabilité et la stagnation de la psyché.
Ce film est le second mouvement d’un projet de triptyque utilisant l’omniprésence du corps pour ancrage dramatique. Amorcé en 2013 avec le court-métrage Héritage, le film devient objet d’observation par opposition à un objet d’action. L’action perd ici sa place au profit d’un développement misant sur l’expérience du temps qui passe en soi et qui renvoie le spectateur dans une position de contemplation. J’ai donc tenté une « image temps » dite absolue. « Car, selon la distinction de Deleuze, dans cette image, il n’y a pas de place pour la brutalité des simplifications, parce que dans cette image l’on reconnaît les êtres et les choses plus qu’on ne les voit. Dans cette image il y a toujours les souvenirs, les rêves, les pensées de celui qui voit1. »
Le film, par un travail métaphorique et abstrait de la bande-son, nous renvoie à des souvenirs confus, à des souffrances personnelles, à l’intime du personnage. Or, cet intime ne peut appartenir à l’image seule. J’ai utilisé un procédé qui refuse à l’occasion la reproduction naturaliste du monde sonore afin que la vérité soit parallèle à l’image pour ainsi corroborer cette idée que le tout de l’être ne peut se contenir uniquement dans ce que l’on voit.
Avec Marie d’Amérique, j’ai voulu creuser derrière le paraître du réel. Faire perdre au monde son apparence pour le ramener à son essence, vers quelque chose qui relève de l’immanence, de l’être.
1. Yvon Rivard, « Le cinéma et la paix », Une idée simple, Les Éditions du Boréal, 2010.