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Et si on vivait autrement?

Par Jeanne Manseau-Noel le 2019/09
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Et si on vivait autrement?

Par Jeanne Manseau-Noel le 2019/09


Pour le meilleur ou pour le pire, la ville de Rimouski s’est considérablement agrandie et urbanisée ces dernières années. Durant la période estivale, des milliers de touristes venus de tous horizons y séjournent et y contemplent de splendides couchers de soleil, uniques au monde. Hélas, même si cette réalité semble idéale aux yeux des autorités locales, elle cause des dommages environnementaux, économiques, culturels et sociaux importants.

En effet, la ville maritime recèle une culture automobile coriace et, bien que certains efforts aient été faits, les espaces cyclables et piétonniers restent limités. Par ailleurs, c’est encore par voie asphaltée que sont acheminés la majorité des vivres, des produits et des matériaux indispensables à l’approvisionnement des Rimouskois et des Rimouskoises. Ces facteurs contribuent grandement à la détérioration de la qualité de l’air, à l’augmentation du bruit et à la pollution visuelle en milieu urbain. Enfin, cette dépendance aux ressources fossiles, qui s’accentue en période touristique, rend la ville de Rimouski vulnérable aux changements climatiques et à l’imminent pic pétrolier. Tôt ou tard, ce manque de résilience patent aura une incidence sur la qualité de vie des citoyens et des citoyennes et des êtres vivants qui peuplent l’estuaire.

Ainsi, il est indéniable qu’aller dans le sens d’une transition écologique et d’une décroissance économique atténuerait les impacts humains sur le territoire et garantirait un avenir durable aux Rimouskois et aux Rimouskoises. Cependant, cela exige que citoyens et élus collaborent afin d’instaurer des initiatives porteuses de changements. Mais une confiance réciproque devra d’abord être tissée. Cette confiance s’installe lorsque les citoyens et les citoyennes voient leurs propositions appliquées sur le terrain et constatent que celles-ci contribuent positivement à la vie dans leur municipalité. Un tel exemple de symbiose entre élus et villageois s’observe notamment dans la commune d’Ungersheim en France, où de nombreuses innovations ont émergé dans le domaine de la transition écologique. Toutefois, cette collaboration cohérente n’a pas toujours lieu et, dans ce cas, un cadre de travail coercitif peut se montrer soutenant.

Voilà pourquoi le Réseau international des villes du bien-vivre fut créé en 1999. Cette association à but non lucratif se définit par une communauté de 252 villes réparties dans 30 pays qui s’engagent à ralentir le rythme de vie de leurs citoyens et citoyennes en adoptant des mesures coercitives qui vont dans le sens d’un urbanisme à visage humain. En milieu anglophone, les villes du bien-vivre sont connues sous le nom de Slow cities, alors qu’en Italie, là où se trouve le siège social du réseau, on utilise l’appellation Cittaslow.

Ce mouvement politique, dont l’élément précurseur est le livre d’Ivan Illich, Énergie et équité1, s’articule autour d’un manifeste de 70 recommandations imprégnées du même esprit innovateur qui teinte le mouvement de transition écologique amorcé par Rob Hopkins. Quoique plus politique et diplomate, le mouvement Cittaslow peut néanmoins orienter sérieusement les autorités locales pour les premiers changements.

Cela dit, les villes qui souhaitent rejoindre le Réseau international des villes du bien-vivre doivent non seulement compter moins de 50 000 habitants, mais également répondre à plusieurs critères afin d’obtenir la précieuse distinction honorifique, entre autres : multiplier les zones piétonnières, prioriser la mobilité douce, développer la solidarité intergénérationnelle, encourager les productions locales, instaurer des règlements visant à limiter le bruit, etc. Désormais, le Canada compte quatre villes du bien-vivre : Wolfville, Cowichan Bay, Naramata, Lac-Mégantic. Et si la cinquième était Rimouski?

Il peut sembler difficile d’imaginer une Rimouski carboneutre, majoritairement cyclable et piétonnière, alors que le climat y est si rigoureux. Pourtant, c’est d’une fiction semblable qu’est née la culture cycliste à Copenhague, capitale du Danemark. Bien que la métropole soit beaucoup trop populeuse pour faire partie du mouvement Slow cities, de gros efforts ont été faits pour y favoriser l’utilisation de la bicyclette. Avec ses 400 km de pistes cyclables et ses nombreux ponts et passerelles dédiés aux piétons et aux piétonnes et aux cyclistes, Copenhague est l’une des villes les plus accueillantes du monde pour les amateurs de mobilité douce. Là-bas, les autorités ont bien compris que la façon dont on construit une ville influence le comportement des gens, leurs choix et leur style de vie.

Enfin, toutes ces villes inspirantes qui ont changé leurs coutumes par souci du bien-vivre permettent une prise de conscience et une participation citoyennes uniques. Il est évident que Rimouski doit encore s’améliorer sur le plan écologique, tant pour le bien-être de ses citoyens et de ses citoyennes que pour protéger le fragile écosystème maritime qui lui offre si généreusement refuge.

1 Ivan Illich, Énergie et équité, Arthaud, 2018, 160 p.

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