
À quoi ressemblerait le Québec sans les proches aidants? Dans quel état seraient le réseau de santé et l’économie? Ces questions sont pertinentes quand on connaît la contribution majeure des proches aidants à la société. Plusieurs études affirment qu’il faudrait embaucher 1,2 million de professionnels à temps plein pour remplacer les heures effectuées par les proches aidants et qu’il en coûterait entre 4 et 10 milliards de dollars. Ce n’est pas tout : si les proches aidants étaient payés au salaire minimum, le budget de la santé augmenterait de 11 %. Avec des chiffres pareils, on comprend que les gouvernements considèrent qu’il s’agit d’une main-d’œuvre rentable. Sans salaire ni avantages sociaux, au moins peuvent-ils recevoir, s’ils répondent aux nombreux critères d’admissibilité, un crédit d’impôt annuel de 1 000 $.
La contribution des proches aidants
Ces dernières années, le réseau de la santé et des services sociaux a souffert d’une standardisation et d’une surspécialisation des soins, et d’un chronométrage des actes (méthode Lean, etc.), faisant de l’aspect humain et de la prise en charge globale de la personne et de son environnement un bonus au lieu d’une norme. Or, engagés et généreux, les proches aidants assurent des soins et des services 24 heures sur 24 à longueur d’année. En 2013, le ministère de la Santé et des Services sociaux estimait que 85 % des soins aux aînés étaient prodigués par des proches aidants. Ces individus généreux sont animés par le « souci de l’autre » plutôt que par des mesures quantitatives et la rapidité, des aspects trop souvent valorisés dans un réseau de santé déstabilisé et épuisé. Au-delà des économies réalisées en santé, les proches aidants humanisent les soins aux personnes vulnérables ou en fin de vie, leur permettant d’être reconnues pour qui elles sont, plutôt que d’être seulement vues comme des numéros ou sous l’angle d’une maladie ou d’une statistique. Les proches aidants interviennent souvent aux deux extrémités de la vie : dans l’enfance et la vieillesse (voire la mort) ou lors de maladies importantes (sclérose en plaques, cancer, etc.) ou d’accidents. Par exemple, une quinquagénaire qui propose à son père malade de vivre avec elle et ses enfants renforce le partage entre les générations; de même pour un jeune de 18 ans qui aide sa tante de 45 ans ayant une déficience intellectuelle et dont les parents sont décédés, afin qu’elle ne soit pas placée en CHSLD. Le travail des proches aidants nous rappelle cependant que la solidarité familiale doit être soutenue par la solidarité collective.
Pourquoi (et comment) aider les proches aidants?
La gratitude et la reconnaissance que témoignent les personnes aidées et une partie de la société aux proches aidants ne mettent malheureusement pas de pain sur leur table et ne préviennent pas leur épuisement ni leur appauvrissement. L’état de fatigue des proches aidants est très important. De plus, des études ont montré que la réduction des heures travaillées entraîne une perte de revenu d’environ 16 000 $ par an alors que leur rôle de proche aidant engendre des dépenses moyennes annuelles de 7 600 $. Il est souvent dit par des politiciens que le coût des mesures de soutien aux proches aidants serait « astronomique » pour le gouvernement du Québec. Cependant, ce coût élevé est un fardeau actuellement porté par les proches aidants eux-mêmes. L’inaction vis-à-vis de leur situation coûte cher au Québec : ce sont des milliards de dollars perdus en recettes fiscales, en baisse de productivité et en augmentation des prestations sociales.
Le point commun chez les proches aidants est que, peu importe la maladie de la personne qu’ils aident, une prise en charge de leurs propres besoins – pas seulement ceux des aidés – est indispensable. Cependant, la plupart des dispositifs d’aide en place sont subordonnés à la condition de santé – ou financière – de la personne aidée. Pour être soutenus, les proches aidants doivent entrer dans « de petites cases » qui ne correspondent pas toujours à leur situation. Par conséquent, ils sont privés du soutien auquel ils ont droit.
Envisager le soutien aux proches aidants doit se faire dans une perspective globale et non compartimentée. C’est pourquoi le Regroupement des aidants naturels du Québec (RANQ) revendique une stratégie nationale forte pour épauler et valoriser les proches aidants, ces alliés incontournables pour un Québec équitable.