Actualité

La terre promise

Par Jérémy Tordjman le 2018/03
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La terre promise

Par Jérémy Tordjman le 2018/03

À l’été 2016, avide de découvertes et curieux de ce Québec que tant de mes compatriotes français louangent, je viens y séjourner pendant trois semaines. La spontanéité me conduit de Montréal à Charlevoix, de Québec à Tadoussac, de Bellechasse à Rimouski. En route vers la Gaspésie à vélo, mon corps échoue lamentablement devant une mignonne et nouvelle boulangerie sans gluten et sans allergènes, sans savoir que j’y ferai une rencontre déterminante. Au fil de la semaine qui passe et des discussions passionnantes avec la fondatrice de la boulangerie, l’idée de me joindre à elle pour mener à deux la barque entrepreneuriale m’attire de plus en plus. En outre, le mode de vie québécois me séduit : je décide d’engager les démarches pour venir m’installer ici.

J’ai une maîtrise en mathématiques fondamentales et 10 ans d’expérience de travail dans une société d’investissement en finance de marché. J’y ai occupé des postes multiples : comptabilité, management, service à la clientèle, conception de logiciels, négociations. J’ai acquis des savoir-faire spécifiques et généraux qui s’appliquent bien dans tous les domaines d’activités. Mais surtout, j’aime travailler.

Le travail est pour moi une source d’épanouissement. Il me permet de faire face à mes limites et de me dépasser pour donner le meilleur de moi-même. Je ne compte pas particulièrement mes heures. J’ai à cœur les projets dans lesquels je m’investis et je cherche toujours à m’améliorer.

Avec de substantielles économies et libre de toute attache familiale, je me lance dans l’aventure de m’immerger dans une culture différente et de contribuer au succès de l’entreprise avec mon énergie, ma créativité et mon ardeur au travail.

Je retourne en France le temps de procéder à une demande pour le permis « Stage coop international », qui me permettra de travailler à la boulangerie sans contraindre l’entreprise à me verser un salaire fixe. J’obtiens le permis pour une durée de six mois (le maximum est de douze), pendant lesquels je participe à faire grandir la PME. J’y prends des responsabilités, jusqu’à piloter une partie des opérations. Je développe le marché, j’établis 45 points de vente partout dans la région et je nourris des relations d’affaires et des partenariats porteurs. La fondatrice pense même à s’associer avec moi.

En parallèle, je m’intègre bien à la communauté rimouskoise, qui me fait une chaleureuse place, et ma vie sociale s’enrichit. Pour couronner le tout, je tombe amoureux d’une Québécoise et je vis une histoire d’amour qui vient équilibrer ma vie et me combler.

Rimouski semble vraiment être l’endroit qui m’attendait.

Mais voilà, à la fin du stage, les complications commencent. Je cherche à prolonger mon permis, mais ma demande est refusée deux fois pour des raisons administratives. J’étudie alors les options qui s’offrent à moi pour pouvoir demeurer au Québec. Pour pouvoir y travailler librement et légalement, le statut de résident permanent s’avère la meilleure option. Obtenir ce statut exige un délai d’attente moyen de deux ans, puisque je dois d’abord obtenir le certificat de sélection du Québec, pour lequel il faut prouver plus de 12 mois de travail rémunéré sur le territoire. La durée de mon stage ne compte pas.

À l’aide d’un avocat spécialisé en droit de l’immigration, je procède alors à une demande de permis de travail « Jeune professionnel » pour une durée de 24 mois, la durée maximale. Toutes ces procédures s’avèrent stressantes. Le temps d’attente pour obtenir une réponse du ministère peut être de plusieurs semaines. Les raisons derrière le refus ou l’acceptation d’une demande ne sont pas toujours claires. Je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Devrai-je retourner dans mon pays et quitter ce que j’ai bâti ici? Durant les cinq mois que durent toutes ces démarches, il m’est difficile de me projeter dans l’avenir, de construire ma vie.

Je reçois enfin une lettre qui m’invite à me présenter à une douane canadienne pour prendre possession de mon permis de travail (alléluia!). Après deux heures de route vers le Nouveau-Brunswick et deux heures et demie d’attente aux douanes américaines et canadiennes, je tiens dans mes mains le fameux permis de travail d’une durée de… 11 mois et 12 jours, soit la moitié de ce que j’espérais…

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