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Couillardises et autres mollusques froids

Par Pierre Landry le 2017/07
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Couillardises et autres mollusques froids

Par Pierre Landry le 2017/07

En un tour de main digne des plus grands prestidigitateurs, notre ineffable premier ministre retourne d’un coup sec la crêpe de la Constitution canadienne, pour la ramener illico à son point de départ. Grand branle-bas et document étoffé de deux cents pages : Dieu le fils-de-l’Autre, dit Justin, ne se donne même pas la peine d’en considérer la couverture et oppose un refus catégorique, immédiatement suivi en cela par quelques autres chefs de la seule nation dominante : le clan des Anglo-Saxons. Et moins d’une semaine après cette vaine pavane, voici que notre chirurgien en chef, fidèle à ses croyances, prédit une « décennie catastrophique pour le Québec » si on en venait à choisir l’indépendance. Quel fin tacticien! Avant même de mettre les pieds sur le champ de bataille, on livre à l’adversaire la seule arme qu’il pourrait redouter!

Mais peut-être sous ce mauvais tacticien se cache-t-il un fin stratège. En effet, quelle autre solution s’offre à nous si on ne peut modifier la Constitution et si l’indépendance s’avère la mère de toutes les misères? Mais le statu quo, voyons donc! Cet éternel à-plat-ventrisme, ce sur-place récurrent, cette échine courbée en permanence sous un faix qu’on se dit incapable de soulever. Et voilà précisément définie la philosophie politique du Parti libéral « provincial »! Le problème cependant, dans le cas du Québec, c’est que le statu quo n’en est pas réellement un : il s’apparente davantage à une régression progressive, à une diminution avérée de notre poids et de nos pouvoirs au sein de cette fausse confédération, à une lente érosion de la langue française, voire à une disparition programmée de notre identité propre et de notre culture.

Jusqu’à ces récentes années, nos élites se sont toujours portées à la défense de la langue française et de la nation, qu’elle ait été qualifiée de canadienne-française ou de québécoise. Nous avons toujours affiché face à la dominance anglophone une attitude combative et résolue. On n’a qu’à penser au « Maître chez nous » de l’équipe Lesage, à la menace « Égalité ou indépendance » proférée par Daniel Johnson père, à « notre butin » que cherchait à récupérer Maurice Duplessis, et j’oublie volontairement les Lévesque, Parizeau, Landry, Maurois et consorts de la mouvance du Parti québécois. Et il y a eu avant eux les patriotes, bien sûr, mais aussi cette longue période où l’Église catholique avait le haut du pavé et où, faisant front avec les élites de l’époque, la défense de la « patrie » et de la langue française s’avérait un combat de tous les instants, une lutte hautement publicisée, diffuse au sein de dizaines et de dizaines de sociétés, un message qui percolait au cœur de toutes les strates de la société. Cet engagement se traduisait souvent par des manifestations à caractère patriotico-religieux dont les effluves pouvaient sentir la droite et l’endoctrinement à plein nez, et qui nous feraient sourciller aujourd’hui. Je me souviens du salut au drapeau, tous les vendredis après-midi à la petite école de mon enfance, de ces sermons enflammés en chaire où on érigeait la langue française et la religion catholique comme des remparts contre l’assimilation et les ravages du protestantisme. Mais enfin, on luttait pour la préservation de la « race ».

Aujourd’hui, les libéraux « provinciaux » ont tellement peur que les refus ou les rejets répétés d’Ottawa à des demandes légitimes du Québec ne se traduisent par une résurgence de la fibre nationaliste et une remontée de la volonté souveraine, qu’ils jouent à tout coup les canards mouillés, « lame duck forever ». Et du côté du fan-club ministériel francophone de Justin, cette basse-cour issue pourtant du terroir québécois, on est coast to coast sans limites, le Canada étant un grand magma unitaire dont le Québec n’est qu’une épice comme les autres, une épice qui s’affadit toujours un peu plus avec le temps et dont on pourrait facilement se passer, le grand plat canadien se mangeant froid, et le moins relevé possible.

Pendant ce temps, dans le clan souverainiste, on met la table pour le dernier festin, beaucoup de couteaux sur la nappe souillée, des verres à moitié vides ébréchés de toutes parts, un vieux pâté chinois steak, blé d’Inde, patates qui goûtent le réchauffé, pendant que les Autres dégustent leur caviar et s’en donnent à cœur joie, se bidonnant comme larrons en foire en voyant s’entredéchirer ces dindons de la farce que nous sommes trop malheureusement devenus.

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