
Lors d’un séjour d’initiation à la coopération internationale en Afrique de l’Ouest en 1996, j’ai été choquée par les enjeux politiques d’aide internationale et j’ai du même coup réalisé que l’impact des projets de coopération n’était, la plupart du temps, pas durable. Je suis revenue de cette expérience désillusionnée et habitée d’un sentiment d’impuissance.
Je me souviens de m’être dit que la meilleure façon de changer le monde était de passer par le développement personnel. J’ai donc entamé des études de psychothérapie et travaillé pendant 20 ans à éveiller les consciences aux enjeux intrapsychiques et relationnels. J’ai vu plusieurs personnes profondément transformées par leur cheminement. Je n’ai pas de doute, j’ai contribué au changement social, car ces individus, plus sains et plus équilibrés, avaient enfin trouvé une paix intérieure et une capacité à ressentir une joie profonde. Étant mieux disposés, ils avaient maintenant un élan vers la réalisation de soi et pouvaient contribuer au développement social.
Au tournant de la quarantaine, malgré ce travail, j’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose. Je me sentais sur une corde raide. En principe, je pouvais tomber d’un côté ou de l’autre, mais j’étais naturellement tirée vers le confort et le désengagement. Je me suis rappelé une expression qu’on m’avait servie dans ma vingtaine engagée : « À 20 ans, tu veux changer le monde et, à 40 ans, tu te rends compte que le monde t’a changé. » Sûrement vrai, une question d’âge ou d’hormones, car ce que je ressentais était plus fort que moi et me tirait vers l’apathie. Cette expression m’a aidée à voir de l’autre côté de la corde : de l’autre bord, il y avait ceux, souvent plus jeunes, qui croient encore qu’on peut changer le monde, ceux qui s’impliquent, qui, sans compter, donnent leur temps pour les causes qu’ils soutiennent. J’ai fait un choix conscient — je ne voulais pas regarder le train passer : j’allais être de ceux et de celles qui sont acteurs de changement. J’ai dû trouver en moi un espace qui me permettait de me mobiliser, ça m’a demandé tout un effort de me lever avec un corps engourdi faute d’avoir bougé depuis trop longtemps.
La démarche de Joanna Macy, une environnementaliste, éco-philosophe et spécialiste en bouddhisme, m’a aidée à me mettre en mouvement. À travers son approche « le travail qui relie », Joanna Macy met de l’avant trois dimensions essentielles pour aller vers ce qu’elle appelle « Le grand tournant » : la construction de nouvelles structures, l’activisme, qui vient contrecarrer les mécanismes nocifs du système, et le changement de regard, qui implique un travail sur soi puisqu’il touche notre capacité à nous mettre en position d’empathie et notre capacité à sortir des enjeux de pouvoir, de possessivité tout en retrouvant une place équilibrée en tant qu’humain faisant partie d’un écosystème global.
L’approche de Joanna Macy m’a inspirée pour fonder Égo/Éco, une initiative qui rallie changement personnel et social. Le projet vise à reconnecter l’humain avec lui-même, les autres et la nature afin de retrouver un peu plus d’équilibre dans la vie et sur la planète. C’est une invitation à vivre une expérience créative à la ferme Sageterre au Bic, pour un atelier de quelques heures ou une retraite de quelques jours. C’est une occasion de prendre du recul et de découvrir un mode de vie plus écologique. La démarche permet de témoigner la gratitude que nous avons pour la terre et offre un cadre sécuritaire pour exprimer les émotions générées par la souffrance afin que ces réalités deviennent une source de mobilisation vers l’engagement social plutôt que de nous faire sombrer dans l’apathie générée par un sentiment d’impuissance. C’est à la fois une occasion de réfléchir à notre égo et de découvrir comment il agit dans nos vies afin de prendre la distance nécessaire pour que nos actions soient menées dans la conscience de notre interdépendance. Égo/Éco inclut des explorations et des créations artistiques en pleine nature. Plusieurs artistes invitées, spécialisées dans des approches de développement personnel et social par la danse et le théâtre seront sur place. On trouve aussi dans la programmation des moments de méditation et une participation aux jardins de Jean Bédard, philosophe et écrivain.
Ultimement, Égo/Éco est une démarche de conscience qui nous invite à reconnaître les souffrances du monde et à nous donner un élan pour clarifier le rôle qu’on a à jouer dans le développement d’une société durable. Offrez-vous cette occasion : www.egoeco.ca.