
On veut la liberté aussi longtemps qu’on n’a pas la puissance ; mais si on a la puissance, on veut la suprématie.
– Nietzsche
Nous avons souvent l’impression de manquer de temps, d’avoir trop de rencontres, de comités, de mouvements solidaires d’une étoile à l’autre? Nous ne savons plus où donner de la tête et tenter de trouver une date commune pour un événement devient fréquemment un casse-tête. Quand on fréquente des militants, on entend régulièrement dire que ce sont ceux qui ont le moins qui donnent le plus… en temps, mais aussi en argent. Des causes à défendre, il y en a une pléthore. Encore plus si vous êtes plus à gauche dans l’échiquier politique. C’est simple : les sociétés néolibérales négligent les humains, la justice sociale, les droits des minorités et j’en passe… Dans ce contexte, la grogne de la population est justifiée. Mais comment déterminer les priorités alors que tant de causes nous interpellent? Il est là le problème. La majorité des personnes engagées font partie de plusieurs organismes militants en même temps. C’est compréhensible, mais est-ce productif ?
Combien de fois ai-je entendu dans mon entourage des jeunes de 22 ou 23 ans se dirent fatigués physiquement et moralement par des efforts déployés pour des causes et faire face à des résultats trop souvent bien en dessous de leurs attentes. Ces jeunes siègent dans deux ou trois conseils d’administration en plus de faire un boulot et d’organiser des manifestations ou des événements solidaires. Ajoutons que les organismes communautaires ont sans cesse besoin de bénévoles (militants la plupart du temps). À titre d’exemple, plus de 2,4 millions de Québécoises et de Québécois âgés de 15 ans et plus font annuellement du bénévolat au Québec. Ces personnes ont contribué, au cours de l’année 2009, pour 385 millions d’heures à la mission d’organismes québécois. On estime que la valeur des heures de bénévolat réalisées au Québec représenterait sept milliards de dollars si ces heures étaient rémunérées au salaire moyen versé au sein des organismes communautaires1.
Mais attention! La majorité des bénévoles choisissent les secteurs des loisirs et des sports, l’éducation, la santé ou la religion. L’environnement et les droits de la personne attirent beaucoup moins d’individus (voir graphique). Ajoutons que ce sont surtout des personnes âgées, à la retraite (qui ont plus de temps à donner) qui occupent la grande part des « postes ». Résultat : moins de gens pour des dizaines de causes.
Pendant ce temps, à droite, peu de causes sont laissées à elles-mêmes. Comme le pouvoir y a fait son nid depuis des lustres, on a plus de chances d’avoir davantage de bénévoles, de militants et d’activistes. Par ailleurs, ces causes ne sont pas toujours les plus connues, cachées par l’élite et les politiciens. On y trouvera donc des militants près du pouvoir et des lobbyistes.
La solution à cette iniquité est simple, voire simpliste, mais difficile à appliquer en raison du niveau d’engagement des activistes. « Je milite pour l’environnement, mais je ne peux pas laisser tomber le sexisme ». Il faut choisir ses combats! Non pas renier ses valeurs, mais canaliser ses énergies de façon à être plus disponible et plus efficace.
La situation est semblable en politique active… Au Québec, à droite, on vote libéral; à gauche, on se partage le Parti québécois, Québec solidaire, le Parti vert et certains candidats indépendants. La force du nombre, c’est bien, mais la fragmentation est la faiblesse des justes et la force des tyrans.
1. Les chiffres proviennent du Réseau de l’action bénévole du Québec.