
La bédéiste Cab (Caroline Breault) s’est fait remarquer il y a deux ans grâce à l’originalité de son album Hiver nucléaire. Le deuxième tome, publié cet été, toujours chez l’éditeur montréalais Front froid, nous permet de replonger dans son abominable, mais ô combien sympathique univers post-apocalyptique.
La série Hiver nucléaire met en scène une angoisse puisée au plus profond de la psyché québécoise et matérialisée en un cauchemar éveillé : un hiver permanent. La neige à longueur d’année. Les bottes et les pelles jamais rangées. La facture d’Hydro qui se travestit en paiement hypothécaire. Finie à jamais la petite frette en bedaine sur la galerie.
Cette horreur, campée dans un futur proche, on la doit à l’explosion d’une certaine centrale Gentilly-3, qui a provoqué un perpétuel hiver nucléaire. Résultat : la pelouse est devenue un mythe, et les déneigeurs ne voient plus grandir leurs enfants. Et c’est sans compter les radiations, responsables d’étranges mutations : l’écureuil montréalais est plus gros et intrépide que jamais, sans parler des pigeons aux fientes corrosives et des terribles goélands à deux têtes. En 2028, plus que jamais, vivre à Montréal, c’est survivre.
Flavie est une de ces survivantes, qui subsiste en faisant des livraisons en motoneige aux quatre coins de la ville. Dans ce nouveau tome d’Hiver nucléaire, l’héroïne vient au secours de l’ami Marco, aux prises avec une grippe d’homme, une vraie de vraie, une source mutante d’influenza qui ne s’attaque qu’aux mâles. Le seul remède, c’est le mythique sirop Buckley’s, sans lequel c’est l’affolante visite à l’urgence qui attend Marco, une option inenvisageable s’il souhaite consulter un médecin avant l’utopique fonte de la neige. Dans ce futur pas si lointain, on ne se rend pas à l’urgence. On y déménage.
Mais c’est la crise côté médicaments : les camions de livraison se font dévaliser avant leur entrée dans la ville. La lutte pour les denrées rares s’annonce féroce, et les embûches seront nombreuses sur la route de Flavie, une héroïne qui d’ailleurs, et pour notre grand bonheur, est à cent lieues des canons féminins souvent ridicules de la bande dessinée (non, Flavie ne se promène pas par moins 30 degrés avec un soutien-gorge en fourrure).
Le récit de Cab est fortement teinté de l’air du temps, très ancré également dans la réalité des jeunes d’aujourd’hui. Le téléphone intelligent est partout dans le récit, comme le franglais et les expressions à la mode, ce qui titillera éventuellement les moins jeunes, qui souhaiteraient peut-être également une intrigue un peu moins linéaire. Cela d’autant que tous les éléments sont là pour que cet univers, potentiellement très trouble et sombre, gagne en densité et en complexité. Chose certaine, on attend impatiemment les prochains tomes, tant l’univers créé est original et attachant.