Au moment où j’écris ces lignes, et si la tendance se maintient, pour employer la formule consacrée, tout porte à croire que Donald Dump rampera bientôt en direction de son bourbier intime où il pourra continuer à sa guise et un peu plus loin des projecteurs à vilipender les femmes, les Noirs et les Latinos, et à peaufiner ses manigances en matière d’évasion fiscale. Avouons que le monde entier a eu chaud. Imaginez ce goujat sans culture, cet impétueux et vulgaire égocentrique, mélange au centuple d’Ubu et d’Elvis Gratton, imaginez cet ignare loose cannon à la tête d’un des États les plus puissants de la planète!
Curieusement, cependant, cette élection pourrait nous servir une extraordinaire démonstration de la mise en œuvre de la théorie du retour du balancier. Si Hillary Clinton est élue, ce ne sera pas, à tort ou à raison, parce qu’une vague d’amour l’aura portée au pouvoir. Non. Elle remportera le suffrage, car son adversaire s’étant révélé un être à ce point infect, odieux et toxique, l’électorat américain se sera finalement rendu compte du phénoménal impair qu’il s’apprêtait à commettre. On n’aime pas Hillary Clinton aux États-Unis, et cela est tellement vrai qu’un autre candidat républicain, un ultra conservateur encore plus à droite que Trump, mais davantage « exemplaire », style Ted Cruz ou Marco Rubio, aurait pu facilement la coiffer au poteau, embourbant pour les années à venir la société américaine dans des ornières plus profondes encore que celles que nous avons connues ici sous le règne de Stephen Harper : créationnisme, déni de la science et des changements climatiques, pétrochimie galopante, ajoutant sans doute à la liste la remise en question de l’avortement et du mariage gai, voire le retour de la peine de mort. Mais le Parti républicain se sera tellement discrédité dans cette affaire, son aveuglement a été tel, qu’il est même possible que le Sénat et la Chambre des représentants passent aux mains des démocrates, ce qui abolirait pour Mme Clinton toutes les entraves qui ont empêché Barack Obama de réellement donner suite à son célèbre « Yes we can ». Alors on pourra en déduire, ultime paradoxe, que la vaine parade et les esclandres de Donald Trump auront tout compte fait bien servi la démocratie américaine et le bien commun…
Pendant ce temps dans notre petit enclos provincial, et profitant de cette tribune islandaise dont il raffole, l’ineffable Philippe Couillard souhaite la bienvenue au nouveau chef de l’opposition officielle en l’associant à l’extrême droite et en évoquant rien de moins que l’émergence « d’un mouvement foncièrement négatif pour l’humanité ». L’affirmation d’un peuple et sa volonté de se doter des outils et des règles dont il estime avoir besoin pour assurer sa pérennité seraient donc considérées comme un crime de lèse humanité! À ce compte, toutes les nations du monde sont criminelles.
Cette sortie de Couillard et les commentaires de son ministre de l’Éducation le soir de l’élection de Jean-François Lisée à la tête du Parti québécois procèdent de cette même rhétorique de la peur d’avoir peur qu’on nous sert depuis des décennies du côté du Parti libéral et du camp fédéraliste. Et la résurgence de cette glose, indigeste à force d’être réchauffée, témoigne éloquemment de la crainte qu’inspire au sein des troupes de Couillard l’arrivée de ce nouveau chef à la stature intellectuelle impressionnante et au curriculum bien garni.
Pour ma part, je voudrais bien qu’on déclare l’indépendance dans les mois qui viennent, qu’on mette un frein à l’utilisation des hydrocarbures la semaine prochaine, que le Québec devienne la terre d’accueil la plus verte au monde dans les meilleurs délais. Mais ce n’est certes pas la voie que privilégient les libéraux et, si PKP a pu être considéré à juste titre comme une « bombe à retardement », les tiers partis m’apparaissent trop souvent comme des bombes à fragmentation. Dans un monde idéal, les élus et les élues seraient les personnes les plus sages et les plus éclairées de la nation et gouverneraient en tout temps en fonction du bien commun, du respect de l’environnement, de la plus haute éthique et de la plus grande équité. Mais soyons pragmatiques. Mieux vaut Hillary Clinton que Donald Trump, mieux vaut Justin Trudeau que Stephen Harper, mieux vaut Jean-François Lisée que Philippe Couillard.
Rallions-nous sinon nous périrons.